14. De peur et d'espoir

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- Eyvan -

— Quoi ?

Yana lève les yeux au plafond.

— La Police du Nouveau Continent sait que nous nous sommes éloignés d'Oblivano et va fouiller Novcita.

J'abats mon poing sur la table, la faisant sursauter.

— Valn va nous balancer !

— Non, répond-elle. Il n'en fera rien.

Un rire sans joie sort de ma bouche. Théo décide de m'appuyer.

— Bien sûr que si, Yana. Tu crois qu'il va risquer sa peau ? Le danger était minime pour lui jusqu'à présent, mais maintenant, coopérer lui apportera davantage que le fait de te garder à son service. C'est un Utile.

Les yeux de Yana flamboient de colère.

— Je vous dis qu'il ne nous livrera pas ! Il a ses raisons.

— Ses raisons ? répété-je avec toute l'ironie dont je suis capable. Ses raisons !

— Oui, affirme une voix masculine.

Je me retourne. Valn Lenris se tient dans l'encadrement de la porte, bras croisés.

— Je sais que je t'avais demandé de ne rien dire, Yana, mais j'imagine que je dois vous mettre au courant pour ne pas perdre votre confiance... Suivez-moi.

Je m'apprête à le questionner avant d'entamer le moindre mouvement, mais Yana pousse mon fauteuil en avant sans me laisser le temps d'ouvrir la bouche. Je récolte un coup sur l'épaule lorsque j'essaie de mettre mes freins pour bloquer notre progression.

— Arrête de faire l'enfant, tu veux ? me houspille-t-elle.

— Réfléchir et demander des précisions avant d'agir, ce n'est pas ce que j'appelle faire l'enfant, répliqué-je en tentant derechef d'arrêter une nouvelle fois mon fauteuil, en vain.

— Fais-moi confiance, Eyvan.

Il y a dans sa voix quelque chose qui ressemble presque à une supplication. Je me revois, peu avant de partir pour Oblivano, où j'avais prononcé la même phrase, à des investisseurs plutôt sceptiques quant à nos capacités. En m'opposant à elle, je réalise que je joue le jeu de ceux qui nous ont écartés. Yana ne nous mettrait jamais en danger. Je ne dois pas l'oublier et laisser une défiance qui ne m'appartient pas m'envahir.

Je me laisse donc guider. Pour une fois, je m'abandonne. Nous sortons par la seconde porte qui donne sur le bar et passons derrière le comptoir pour rejoindre un couloir.

Une remarque acerbe me monte aux lèvres quand j'avise, à son extrémité, un escalier métallique dans lequel s'engage notre hôte. Je la retiens en voyant Théo quitter son fauteuil et s'asseoir sur la première marche. Il va monter sur les fesses, à la force des bras.

Un air de défi passe dans ses yeux. Je souris. Dans le top des jeux idiots que l'on faisait tous les deux à Oblivano, le chronométrage de la montée d'escalier arrivait dans les premiers. Théo a une paraplégie incomplète et c'était souvent plus facile pour lui. Mais je le battais, quelques fois.

Yana lève les yeux au ciel, mais je sais très bien qu'au fond, elle est soulagée que nous fassions preuve d'un peu de légèreté.

Valn Lenris considère notre manège d'un œil surpris tandis que je m'installe à côté de Théo et entame un décompte de trois secondes.

Une minute plus tard, nous sommes parvenus à égalité à la porte qui pivote doucement pour dévoiler un appartement sobre, mais chaleureux, après que nous soyons remontés sur nos fauteuils.

OblivanoWhere stories live. Discover now