Comment je suis devenu.e un papillon

Sean :

Ou l'histoire d'un autoportrait :

Il y a quelque chose, lors de mon voyage dans ma mémoire, dont j'ai omis de parler non pas parce que j'en avais honte ou que cela était trop difficile mais parce que je voulais lui consacrer une partie entière.

Et ce quelque chose est un garçon.

Un jeune homme qui avait un an de plus que moi mais qui désormais en a un de moins, qui était mon moi idéalisé et qui maintenant est mon presque reflet, qui résonnait en moi d'une manière que je ne comprenais pas et qui aujourd'hui prend un sens.

Un jeune homme qui sorti de mon esprit alors que j'étais attablé dans une salle d'examen.

A l'époque j'écrivais un roman fantastique, mon tout premier roman que je regarde aujourd'hui avec un œil nostalgique et amusé tant je le trouve chargé de souvenir mais mauvais. Entre ces pages je dépeignais beaucoup de chose, des meurtres, deux amis, des montagnes, un loup-garou, deux anciens amants, un passage secret, des armures ridicules et j'en passe.

Deux anciens amants.

Voilà de quoi Sean est né.

Il s'est extirpé d'un détail, d'une lettre retrouvée par les deux héros, et a commencé à broder sa propre vie sans mon accord. Il a volé en moi tous les matériaux pour se construire et, un jour, alors que je laissais mes pensées dériver vers lui je me suis retrouvé face à mon reflet.

Mon moi idéal se tenait debout devant moi.

Il était beau, pas de cette beauté que nous vend aujourd'hui la société, mais de celle désuète et nostalgique que l'on ne voit que sur les vieux clichés. Il était timide et maladroit avec les autres, sauf avec son amant qui par beaucoup semblait être son opposé. Il écrivait de la poésie, était intelligent et cultivé. Il incarnait une époque révolue qui commençait alors doucement à me faire rêver.

Mais par-dessus tout il était un garçon.

Cela ne m'a pas semblé si étrange et je disais alors souvent que lui était moi et que moi étais lui. Pour moi le genre n'avait aucune importance, il était mon double par ses pensées, son caractère mais aussi par sa vie qui, a bien des moments, empruntait le même chemin que la mienne.

J'ai commencé à travailler le roman dont il est aujourd'hui le héros et, au fur et à mesure des lettres, j'ai accentué notre ressemblance et mon fantasme. Plus les mots s'accumulaient sur mon écran, plus il devenait une version meilleure de moi-même. Je n'écrivais plus la vie d'un jeune anglais débarqué de sa campagne dans la capitale française, j'écrivais la vie à laquelle j'aspirais, à la seule différence que je rêvais pour ma part de la capitale anglaise. Je ne dépeignais plus un amour homosexuel quelconque, je dépeignais la relation que je désirais un jour avoir.

Et je ne comprenais pas.

La première fois que j'ai décidé de parler de ce que j'étais, un garçon, je l'ait fait sur un forum où je postais ce roman et une fille m'a dit, en parlant de cette histoire, qu'on sentait bien à travers ce que j'écrivais que c'était : « plus profond que ça », plus profond qu'une simple identification.

Je ne comprenais pas que c'était « plus profond que ça ».

Je savais au fond de moi que Sean était différent, que parmi ceux que je créais il sortait du lot. Parfois je m'en suis même voulu, de ne pas parvenir à aimer mes autres créations comme je l'aimais lui, tout en me jugeant idiot de me tracasser ainsi pour des personnages imaginaires.

Et puis, le jour où j'ai enfin compris, je l'ai regardé et toutes les pièces se sont soudainement emboîtées.

J'aime l'esprit humain car il fait des choses fantastiques. Parfois, c'est effrayant, des individus persuadés que leurs proches sont remplacés par des clones, d'autres convaincu d'un amour qui n'existe que dans leur esprit et tellement d'autres. De temps en temps, c'est magique, des souvenirs insignifiants qui reste graver des années, une information qui remonte à la conscience juste au bon moment, tellement de petites choses. Quelques fois, c'est un message, une douleur a un endroit exempt de blessure physique, mille et un poils qui se dressent d'un seul coup, tellement de riens très signifiant.

Sean est de cette sorte.

Il est un phare, une lumière que mon esprit a allumée dans l'espoir que je l'aperçoive. Et ce fus le cas, mais sans hélas lui donner de sens. Il a fallu du temps, il a fallu des récifs, il a fallu des détours, mais finalement sa lumière me guida.

Il m'a aidé à assembler le puzzle de mon genre, de mon orientation sexuelle et peut être même de ma vie. Il était le modèle, celui que je regardais pour essayer de donner un sens à mes sentiments, mon vécu, ma détresse.

Parfois, en voyant un détail, tout un tableau prend sens, Sean était ce détail.

C'est pour cela qu'il mérite que je lui écrive ces lignes, même s'il n'est fait que de mots et de pensées. Parce qu'il m'a aidé, bien plus que n'importe qu'elle personne faite de chair et de sang. Certains viennent à bout des grands questionnements de la vie grâce à l'amitié, à l'amour, aux gens, moi je les ais résolus grâce à lui, lui qui n'était à la base que mes pensées.

Alors peut être les ais-je résolus grâce à moi, seulement moi.

Peut être.

Mais je préfère dire que c'est grâce à lui.

Alors merci. Merci à toi qui connais déjà ces mots puisque tu fais partie intégrante de moi. Merci à toi d'avoir su jaillir de mes pensées et d'avoir accepté la lourde tâche de me guider. Merci à toi de continuer de suivre mes pas et de me tenir la main, même si aujourd'hui j'avance de mieux en mieux seul.

Merci et je te promets de me rendre digne de toi en t'écrivant la plus merveilleuse des histoires.

Je me suis rendu compte que j'avais terminé ce chapitre, une nouvelle fois, par des remerciements. Je pense que cela va devenir une sorte de signature, que cela reviendra chaque fois que je m'adresserais à quelqu'un.

Je ne sais pas encore sur quoi portera la prochaine partie. Il y a tant de chose que je voudrais aborder, des petits riens très importants dans ma construction. Mon père? Ma sœur? Lui? Les femmes? Les hommes? Tant de choses, bah, je verrais bien le moment venu.