Mai - 1

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En mai, fais ce qu'il te plaît.

Il s'avère que j'aime beaucoup ce vieux dicton, même si je ne l'adapte pas forcément et uniquement à mai. Je fais ce que je veux tous les autres mois de l'année. Mais c'est vrai que le cinquième d'entre eux y est propice.

Nous sommes le premier, il est dix heures et je viens de me réveiller. Hier, j'ai passé la soirée avec ma petite sœur à contempler un ballet en direct de Moscou, juste nous deux, emmitouflés dans une grande couverture, les pieds sur le canapé et un chocolat chaud dans les mains.

Je sais ce qu'on va me dire ; maintenant que j'embrasse des gars à tout va — un seul, en réalité — ma masculinité s'évapore par tous les pores de ma peau. Premièrement, je répliquerais que c'est un horrible stéréotype et deuxièmement, que cette tradition avec Anouchka date de plusieurs années, quand elle m'a surpris en train de me reconnecter à mes racines russes, et qu'elle a réclamé de regarder avec moi.

Cette petite a eu raison, lorsqu'elle a commencé à ressentir de la jalousie pour la plante exotique. Ça fait mal de voir l'unique personne qui s'inquiète pour soi dans sa famille vous bouder toute la soirée, jouant au petit diablotin. Elle se sent aussi seule que moi, elle est aussi délaissée que moi par notre aimable paternel et ses amis ne sont pas toujours disponibles — surtout qu'à huit ans, on ne peut pas parler d'indépendance. Alors aujourd'hui, j'ai passé la journée avec elle et j'ai rejeté chaque message de Charles. Elle sourit comme ce n'est pas pensable, ce qui me ravit au plus haut point. Et au moins, je n'aurais pas à me mettre la tête au mixeur en pensant à ce que j'ai pu ressentir sur ce rocher, à la plage.

Soyons réaliste : ce n'est pas logique, absolument pas. C'est même embêtant. Enquiquinant, et je peux continuer la liste pendant longtemps, avec un dictionnaire de synonymes sous la main. Alors, l'éviter, lui et sa magie, pour quelque temps, c'est mieux pour mon pauvre crâne bleu. Et si ça fait plaisir à ma petite sœur, je suis à cent pour cent heureux.

— Konstantiiiiiiiiiin, la plante verte est dans le salooooooooon.

Je me relève de mon lit à toute vitesse, passe la porte et dévale les escaliers qui me séparent du reste de la maison. Le ton du cri d'Anouchka n'est pas bon, pas bon du tout. Tous mes efforts vont être réduits à néant avec ce débarquement. D'ailleurs, que fait-il ici ? C'est une manie chez lui d'arriver sans prévenir ?

— Rassure-moi, le Bubblegum russe, c'est normal que ta petite sœur m'appelle la plante verte et semble vouloir me tuer dans la seconde ? Oh, sympa l'accoutrement, mais tu vois, je suis vraiment pas là pour ça, commence Charles en me détaillant de haut en bas.

Je baisse les yeux sur mon corps et me frappe le crâne. Je n'ai qu'un pantalon de jogging qui remonte gentiment sur mes mollets de poulet comme vêtement. Je ne rougis pas à la remarque et entreprends de répondre au dérangement en chair et en os.

— Je peux savoir ce que tu fiches ici ?

— Tu me manquais, mon amour.

Là, c'est certain, mes joues changent de couleur. J'envoie un rapide regard vers ma petite sœur, qui a parfaitement tout entendu de cette horrible déclaration et qui doit se demander ce qui se passe. Ses mains devant la bouche, elle se retient de hurler. Ou d'aller mordre les genoux de Charles, au choix.

— Bon sang, tu verrais ta tête, le Bubblegum. Je blague. C'est juste que je me suis dit que ça serait le bon moment de s'occuper de ma masse capillaire. Tu sais, la couleur et tout ça.

Il désigne ses boucles rebondissantes et je me revois les toucher, m'amuser avec elles, rire. Ses cheveux me fascinent, et ça, c'est un autre problème, tout comme mon cœur qui fait n'importe quoi. Les deux personnes présentes dans le salon attendent ma réponse et je fixe Charles avec un air béat. Je suis un vrai chewing-gum.

Ciel de printemps [BxB]Where stories live. Discover now