Chapitre 25 : Introspection

48 10 0
                                    

« Es-tu Adan Lescaux ? »
La voix résonne autour de moi, en moi.   C'est la même voix qui nous a interpellés dans la bulle d'air, quand nous étions sur l'Adrienne.
« Es-tu bien Adan Lescaux ? »
— Si vous connaissez mon nom, vous devez le savoir !
Je parle mais je n'entends pas ma voix.   Le liquide l'éteint, c'est un peu comme la communication avec Alva...
— Où suis-je ?
Quelle réplique clichée !  Je ne pensais pas la dire un jour pour vrai.
« À quoi savoir où tu te trouves pourrait te servir à progresser ? »
— Qui êtes-vous ?
«Pour le moment, tu peux m'appeler comme tu le veux. »
— Pour le moment, voue n'êtes qu'une voix dans ma tête.  Vous n'êtes pas réel.   Je suis votre prisonnier dans ce cocon d'algues rouges.  Pourquoi ?
« Un cocon ? ... C'est de l'enveloppe qui te soigne dont tu parles avec ce sentiment haineux ? »
— Je hais ce truc car il m'enferme !   Il me rend comme un crustacé dans l'eau.  Ce n'est pas ce que je préfère comme sentiment.
Et je rajoute pour moi : « En fait, j'ai la trouille dans ce truc.   Peur d'y rester, de m'y fondre.  Je n'aime pas jouer aux amphibiens en apesanteur. »
« Donc tu veux sortir ? » conclue la voix.
Lit-il dans mes pensées ?
— Ou-oui... je veux en sortir.
« Le cocon est une bienfait pour ton organisme.  Sans lui, tu ne serais plus ici. »
— Je vais bien... Sortez-moi de là !

Un silence...

Et le cocon s'ouvre sur ce qui se révèle être le bas.  Je me retrouve propulsé avec le liquide en une giclée visqueuse et ombreuse qui amortit heureusement partiellement ma chute.  Cependant mon corps est secoué par le choc sur un sol lisse et innacueillant.
Il fait froid et des frissons me parcourent tout entier, alors que j'expulse à grands jets nauséeux le liquide de mes poumons.   Les yeux exorbités par l'effort et la peur de la réaction extrême de mon système, je ressens des picotements sur toute la surface de ma peau.  Ce sont des millions d'aiguilles qui s'amusent avec mes terminaisons nerveuses sur toute la surface de mon corps, dedans comme dehors, de la pointe de mon petit orteil jusqu'au sommet de mon crâne.  Je tente de conserver le contrôle de ma conscience et lutte pour ne pas tourner de l'œil.

Je vois les paillettes blanches et miroitantes qui se décollent de mon épiderme, me laissant asséché et sans aucune protection autre que ma peau nue.   Sous mes yeux étonnés, les algues, le liquide et les paillettes sont résorbés par le plancher.
Je demeure prostré au sol, attendant que ma respiration et mon cœur retrouvent un rythme normal.  J'ai mal partout, comme après ces entraînements que Michewa m'imposait à l'époque !
Je tente de me redresser.   De retrouver un peu d'honneur dans ma posture.   L'air est froid, humide et empeste.   La lumière est blanche et crue.   Je suis nu, sans protection, sans arme, mon nez et mes yeux sont agressés par des stimuli qui ne parviennent pas à ma conscience et je tremble de froid et de faiblesse.  Ce monde ne me permet pas de me rétablir, je suis désorienté.
« C'est mieux ainsi ? » demande la voix.
Est-ce un accent narquois que je décèle ?
— Oui.
C'est mon orgueil qui parle naturellement... C'est faux.  J'ai mal comme jamais je n'ai eu mal.
Mais je me relève entièrement en cherchant en vain des yeux mon interlocuteur.   La pièce est très vaste, d'un gris métallisé blanchâtre.  Au sol s'atténue les dernières traces de liquide et d'algues dans un rougeoiement déclinant.  Le plafond est en dôme.  Je suis debout près de l'un des côtés incurvés.   Proche d'un mur.   Au point opposé je discerne l'autre extrémité de la pièce, très éloignée, je dirais à 50 mètres.  Le plafond est assez haut mais d'une courbure inégale, comme s'il était formé de rochers...
Dans le manque de lumière, en plissant des yeux, je réalise alors que ce ne sont pas des rochers, mais des cocons, des centaines de cocons !   Je recule de stupeur autant que de crainte.   Les restes de l'harnachement  de mon cocon est là-haut, brunâtre et encore légèrement bombé.  Du liquide s'en échappe par la crevaison à sa base.  La plupart de ces voisins sont comme lui mais certains autres sont plus clairs et rouges.   Dans leur forme ovoïde et pleine, je distingue à l'intérieur des silhouettes... humaines ou non ?
Mon cerveau analyse les faits avec détachement mais une crainte viscérale s'empare de moi, alimentée par des réminiscences de mauvais drames d'horreur visionnés dans mon adolescence :
— Pourquoi... ?  Que faites-vous à ceux qui sont là ?

C-14 : L'Enfant sans ombreWhere stories live. Discover now