Amalia ne décrocha pas un mot pendant les quinze minutes qu'il leur fallut pour remonter la jetée. Les pans de son manteau ouvert claquaient au vent et l'exposaient à la morsure du froid ; ce dont, toute à la colère, elle se foutait royalement.
Elle avançait lentement. Elle qui comptait se transférer directement chez elle, elle allait devoir passer uniquement par le réseau fédéral. Une heure de marche était moins risquée que d'user de sa magie dans l'état dans lequel elle se trouvait. Elle le savait. Même si elle disposait toujours de réserves importantes, elle ne se sentait pas émotionnellement en condition pour effectuer un transfert autonome.
Rien ne signalait le point d'entrée du réseau fédéral. Elle s'arrêta simplement au milieu de la digue et dit.
« C'est ici. »
L'adolescent avait respecté sa volonté de ne pas parler. Il jeta un coup d'œil autour de lui, sans doute surpris de ne pas tomber sur un portail, ou au moins un artefact magique. La nuit d'encre les enveloppait, à peine repoussée par la lampe à huile qu'il protégeait comme il pouvait des éléments. Amalia esquissa le début d'un sourire. Ce gamin qui n'avait que cinq ans de moins qu'elle était rafraîchissant. Elle ne sentait pas chez lui les mêmes barrières que chez ses aînés.
« Tu ne me détestes pas, fit-elle remarquer.
— Non. Je n'ai pas de raison. Wilma et le Yasard ont dit que l'on pouvait te faire confiance. J'ai jamais aimé Dalia. Elle s'est déjà embrouillée avec mon grand frère.
— Pourquoi ? demanda Amalia, surprise que l'humaine se soit mise à dos des citoyens de sa communauté.
— Mon frère est mercenaire.
— Ho... »
La sorcière afficha un air désolé, il haussa les épaules. Son aîné terminerait sans doute amputé d'un bras, ou d'une jambe, qu'il ferait remplacer par un artefact magique. Devenu mécartificé, il perdrait le droit de prétendre à la citoyenneté d'Odet, mais c'était le prix à payer pour travailler avec les sorciers et profiter de leurs richesses. Les presque-organiques, à mi-chemin entre les deux peuples, faisaient peur aux enchanteurs comme aux humains. Amalia fronça les sourcils.
« Ton frère ne te parle jamais de notre monde ? Pourquoi ces questions ?
— Quand je le vois, il veut penser à autre chose. Alors non, on n'en parle pas. Il ne rentre pas souvent, de toute façon. Lui se bat et j'aide nos vieux au port, c'est notre deal. Ça me va. Mais j'étais curieux... »
Amalia hocha la tête. Ses parents devaient être âgés, cette situation se révélait malheureusement courante. Un coup de vent un peu plus fort que les autre se chargea de leur rappeler que l'heure était mal choisie pour discuter en bord de mer.
« Ça va aller pour rentrer ? demanda l'adolescent en remontant son col.
— Oui. J'en ai pour une heure de marche. Ça m'en prendra sans doute plutôt deux, mais j'y arriverai. »
Ils se serrèrent la main et elle disparut.
Le jeune homme rebroussa chemin pour rejoindre les Communs. Perdu dans ses pensées, il mit presque une minute à apercevoir le phare vacillant se rapprochait de lui à grande vitesse. La Bretagne comptait peu d'engins motorisés. Les modèles encore fonctionnels s'avéraient rare.
Celui qui roulait à sa rencontre, il le connaissait bien. Il passait tous ses dimanches à l'étudier. C'était Scooty. Un scooter électrique dont ils devaient établir le plan pour les transmettre à la Congrégation d'Égée. Les Yasards de là-bas avaient plus de moyens techniques. Ils se chargeaient d'en construire d'autres et on paierait très cher les sorciers pour transporter les engins dans chacun des ports de l'Atlantique.
Scooty était très peu utilisé. Ils avaient peur de le casser avant d'avoir terminé de l'étudier. À Odet, l'électricité était produite grâce à l'énergie cinétique captée par les toits de la ville lorsque la pluie tombait. Il avait beau pleuvoir très souvent, on préférait user les batteries pour les tâches communautaires plutôt que dans les transports. Si Scooty bravait la tempête, il y avait urgence.
Johan s'arrêter à son niveau. Les cheveux en bataille, le Yasard n'avait même pas pris le temps d'enfiler un bonnet pour protéger ses oreilles du vent glacé de la côte. Il mit la bécane sur sa béquille et demanda, paniqué :
« Elle est partie ? Est-ce que tu sais si elle s'est transférée chez elle directement ?
— Heu... Elle a dit qu'elle en avait au moins pour une heure de marche... »
Johan se prit le bas du visage dans la main, horrifié. Il ferma les yeux, puis déglutit.
« Qu'est-ce qu'il se passe, Yasard ? demanda l'adolescent, inquiet.
— L'Ordre est en train de faire une descente.
— Où ?
— À Aon. »
Ils ne disposaient d'aucun moyen pour prévenir Amalia.
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La Sorcière d'Aon
FantasyChère Consoeur, Par la présente, je sollicite l'accord officiel de la Confrérie quant aux démarches que je souhaite mettre en oeuvre concernant Amalia Elfric. Née Hohenhoff le 13 septembre 1875 du calendrier Merlinique, elle présente une capacité in...