Talyara //Tome 1:Porteuse//

Le réveil de l'entité...

       

         Sans dire un mot de plus, je me levai et je me dirigeai dans un coin pour dormir, loin de cet inconnu. Il m'était bizarrement familier, mais tellement différent de moi. Malgré le fait qu'il soit parmi nous, que depuis quelques heures, il se sentais déjà très à l'aise et cela m'irritait beaucoup. Il avait l'air très sûr de lui et souriait à longueur de journée. Ce n'étais pas ces sourires qui te mettaient à l'aise et donnais confiance...Mais plutôt le sourire du prétentieux qui savait à quel point il était beau et très demandé... Je me revoie assise à la table du diner, mon père nous racontant les nouvelles de la royauté.

Il nous parlait bien du fils de roi, que j'avais rencontré un court instant quelques jours avant, lorsque j'accompagnais mon père à la maison royale. Il avait, ce jour-là, eut une besogne à faire à la dernière minute à la place de son professeur mage et m'autorisa donc à parcourir les couloirs royaux m'interdisant quand même d'entrer dans les pièces closes. C'est en me promenant que je l'ai vu marchant au côté de sa mère, il portait déjà la couronne autour de sa petite tête. Lorsqu'ils passèrent devant moi, celui-ci ne me jeta pas un seul regard mais j'avais saisi que l'air était plus frais, cela m'avait donné la chair de poule, j'étais estomaqué par cette rencontre inattendue. Ce fut le bon temps, le temps où je m'émerveillais de tout et de rien...Jamais à cette époque je n'aurais pensé que notre famille allait se déchirer et s'éparpiller, vaincu par la mort, la maladie et la solitude.

Devrais-je dire à cet inconnu qui je suis ?

La fille égarée, surnommé la Stix dès son plus jeune âge, celle qui avait échappé à la mort. L'enfant qui avait fuis son domaine Feiya, son univers de paix chaleureux et flamboyant. L'enfant dont les parents était des mages qui avaient survécu au génocide. Et qui, depuis leurs disparitions, avait vécue toute sa vie seule avec son frère, abandonnée et rejetée... Non, jamais ! Je ne voulais pas de pitié à mon égard, uniquement de la crainte. Après cette pensée, je laissai mon arme reposer à mes côtés et je m'enroulai à l'intérieure de ma couverture délabrée, tombant dans un sommeil agité.

                Il faisait sombre et il pleuvait, le son de la pluie qui martelait le sol résonnait dans ma tête. Je me sentais engourdie mais je frissonnais de délice. Je respirais l'air avec fierté, un mélange de parfum métallique et de vêtements mouillés s'infiltra dans mes narines. Confiante, je regardais l'orage vibrer et éclairer mon visage caché dans l'ombre.

Doucement, je baissais ma tête, posant mes yeux brillants d'énergie vers le bas.

Mes mains étaient remplies de sang. Des gouttes s'échappaient et s'écrasaient contre le sol. Grâce à la lumière des éclairs, je vis le rouge se mélanger à l'eau boueux.

Aucun sentiment ne me venait et cette neutralité me donnait des sueurs froides. Mon corps ne réagissait pas, c'était comme si je n'étais pas vraiment là. Comme si, je voyais à travers les yeux d'une autre personne. Pourtant c'était bien moi. C'était bien mes vêtements qui étaient immaculés de sang. J'avais bien la bouche ensanglantée...

Subitement, une force immense se propagea à travers moi et me recouvrit de la tête aux pieds. Je me sentis alors bien, énormément bien, encore plus forte, plus confiante, presque...

Invincible...

Ce que j'aimerais être comme ça... Je donnerais tout pour me sentir aussi bien, aussi forte. Je fermai les yeux mettant fin à cette illusion.

Une voix grave et envoûtante sortit de ma gorge et mes lèvres remuèrent.

- Tu l'as toujours été.

      Je me redressai, essoufflée, les yeux écarquillés de surprise.