Première partie (1/4)

791 104 134
                                    


Si la première fois qu'il se retrouva devant ce bar fut un pur hasard, cette fois-ci ce n'était pas le cas. Du haut de ses seize ans, David n'avait jamais osé s'aventurer aussi loin dans cette allée, perdue quelques rues derrière l'hôtel de ville de Paris. Il tentait de se persuader qu'il n'avait rien à faire dans un endroit comme celui-là, mais le désir de franchir la porte de l'établissement s'amplifiait à chaque fois qu'il passait devant. Le pas hésitant, il avançait prudemment en direction de son objectif, s'assurant que personne ne pouvait le voir entrer.

Une fois parvenu devant le seuil d'entrée du bâtiment, ce dernier prit une grande inspiration et frappa trois coups sur l'énorme porte en bois, comme indiqué au-dessus de sa tête. Un bruit de pas lourd approchant se fit entendre, puis un homme immense et robuste apparut. Le colosse, qui semblait tout droit sorti d'un film de gangsters, examina rapidement David.


— T'as quel âge petit ? interrogea l'individu d'un ton malicieux.

— J'ai... J'ai vingt-et-un ans, bégaya l'adolescent.


Par sa barbe nouvelle, David savait qu'il paraissait plus vieux que son âge, mais le mensonge était peut-être un peu exagéré. L'homme rit un court instant puis le dévisagea de la tête au pied. Entre la crainte que lui inspirait l'immense adulte, l'excitation à l'idée de découvrir cet endroit et l'inquiétude d'entrer dans un établissement mal fréquenté, son cœur battait à tout rompre. Il essayait de se montrer calme et sûr de lui, mais l'air moqueur de son interlocuteur faillit lui faire perdre espoir.


— Allez, entre, acquiesça le géant en souriant. Deuxième porte à droite. Et attention, pas de connerie !

— Merci beaucoup, bredouilla-t-il.


Rassuré, David passa devant le videur et progressa dans un couloir sombre et insalubre. Il ouvrit la porte indiquée par l'homme puis entra dans le bar clandestin. L'endroit lui paraissait particulièrement lumineux et étonnamment calme. Une simple musique d'ambiance émanait de plusieurs haut-parleurs, disséminés aux quatre coins de la cave aménagée. Les quelques personnes présentes s'étaient tues au moment où il avait passé la porte, le temps de l'étudier.


— Bienvenue ! lui lança un homme âgé qui se dressait derrière le comptoir.


Les conversations reprirent, l'adolescent s'approcha du comptoir, puis s'assit face au barman sur le tabouret le plus éloigné des autres clients. Soulagé de ne pas être tombé dans l'endroit malsain qu'il imaginait plus tôt, il commençait à se détendre.


— Qu'est-ce que je te sers ? demanda le serveur tout en essuyant énergiquement un verre qu'il venait sans doute de laver.

— Juste un soda.

— Va pour un soda !


Le garçon de salle semblait amusé par la réponse, mais s'était tout de même mis au travail. Il sortit une boisson gazeuse du réfrigérateur et la lui versa dans un verre qu'il venait de nettoyer.


— Voilà pour toi, jeune homme !


David lui sourit en guise de remerciement et commença à siroter sa boisson pendant que le barman semblait l'examiner. L'adolescent n'y prêta pas attention et se mit à observer les autres clients présents dans la pièce. Trois tabourets plus loin, un vieux monsieur aux bras tatoués lisait son journal, un café à la main. En se retournant, il vit cinq individus assis à la table du fond, trois d'entre eux avaient la trentaine tandis que les deux autres semblaient bien plus âgés.


— C'est la première fois que je te vois ici, affirma quelqu'un tout en s'asseyant à ses côtés.


Surpris, le jeune homme fixa son interlocuteur, ne sachant pas quoi lui répondre. L'individu était certainement la personne la plus jeune que David apercevait jusqu'à présent, il ne semblait pas avoir plus de vingt-cinq ans.


— Moi, c'est Alex, renchérit l'inconnu. Ravi de te rencontrer.

— De même.


Il était plutôt charmant, mais David s'étonnait qu'un homme bien plus âgé pût s'intéresser à lui. En vérité, il ne s'attendait pas à ce que quelqu'un vienne discuter avec lui, et étant timide de nature, ne savait pas comment réagir.


— Tu n'as pas l'air très bavard, plaisanta Alex. Je peux t'offrir un verre ?

— C'est gentil, mais je n'ai pas encore fini ma boisson, répondit-il timidement.

— Comme tu voudras ! Peut-être une prochaine fois.


L'homme se leva et partit plus loin, en rejoindre trois autres que David n'avait pas remarqués jusqu'à présent.


— Je croyais que personne ne pouvait te résister ? s'écria l'un d'entre eux en pouffant de rire.

— Les puceaux ça ne compte pas, ricana Alex en s'asseyant à leurs côtés.


L'adolescent fit mine de ne pas entendre, mais il était tout de même déçu de ne pas avoir réussi à discuter plus longtemps avec le charmant Alex.


— Ne fais pas attention à ces idiots, mon garçon, ça n'en vaut pas la peine, murmura le vieillard tatoué assis quelques tabourets plus loin, qui avait probablement dû suivre la scène. Comment tu t'appelles ?

— David, répondit le jeune homme. Et vous ?

— Ici, on m'appelle René. C'est la première fois, c'est ça ?

— La première fois ?

— Que tu passes la porte d'un bar comme celui-là, renchérit l'ainé.

— Ça se voit tant que ça ? répondit-il un peu honteux.

— Non, ne t'inquiète pas, c'est l'expérience qui me fait dire ça. T'as quel âge gamin ?

— Vingt-et-un ans.

— À d'autres ! pouffa René.


David paraissait de moins en moins à son aise, et se sentait désagréablement ridicule depuis qu'il était entré dans ce bar. Il avait également l'impression que tous les clients le dévisageaient. Ne sachant plus comment se comporter, celui-ci préféra régler sa boisson puis partit précipitamment.




Merci à toi d'avoir lu la première partie de mon histoire, n'hésite pas à me dire ce que tu en penses.

Juste le temps d'un demiWhere stories live. Discover now