Chapitre 4

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La femme au chignon était dressée devant moi, toujours un doux sourire aux lèvres.

Elle voulu me caresser le haut du crâne mais à peine mon cuir chevelu fut en contact avec ses doigts que je ressentis une vive douleur.

Elle me sourit avant de recommencer l'opération. J'avais mal mais la douleur était plus ou moins supportable, alors je prenais sur moi en essayent de rester forte.

- Heureusement pour toi que ce n'est pas une commotion cérébrale... il a simplement réouvert la plaie, ça devrait cicatrisé d'ici une ou deux semaines, trois au maximum, dit-elle sans quitter des yeux ma chevelure cachée par un bandage blanc.

Ses doigts étaient si légers que je ne les sentais à peine.

- J'ai l'impression que quoi que tu fasses, tu te retrouves toujours ici avec moi... glousse-t-elle.

Je ne regardais que ses yeux. L'un était bleu, l'autre vert. On remarquais à peine cette différence tellement les couleurs se ressemblaient.

Je crois aussi que pour la première fois, une mèche blonde de ses cheveux s'échappait de son chignon si bien - voir trop - tiré.

Elle m'aida à me lever tout en m'examinant et palpant mon corps. Elle semblait si concentrée dans ce qu'elle faisait que même expirer me semblait inapproprié pour ne pas la déranger.

J'observais la pièce, une infirmerie quelconque et assez petite. Quelques machines trônaient autour du lit sur lequel j'étais allongée.

- C'est petit... murmurai-je.

Elle leva les yeux vers moi, m'aurait-elle entendu ?

- Ce n'est qu'en cas de petits bobos ici, répond-t-elle en reprenant son travail, nous avons une grande salle avec plusieurs lits ainsi que plusieurs salle pour placer en quarantaine.

Je pensai directement à la pièce sombre dans porte et sans fenêtres.

- J'y suis allée ? questionnai-je.

- Nous ne savions pas qui tu étais et si tu nous apportais des maladies contagieuses... tu y as dormi quatre jours.

J'écarquillai les yeux. Quatre jours ? J'avais à peine l'impression de mettre réveillée d'un sommeil qui n'avait duré que quelques minutes.

- Ce garçon... Nathan, lui aussi a été placé en quarantaine ?

Elle hocha la tête.

- Il m'a regardé dans le réfectoire comme s'il ne connaissait de moi que haine et violence...

- Certains ont du mal à interpréter leurs souvenirs, tu ne te souviens peut-être pas de lui mais vous avez sûrement dû vous haïr avant votre arrivé.

- Impossible.

- Et pourquoi ?

- Je me souviens de lui.

Elle stoppa son travail, perturbée par ce que je venais de dire.

- Je me souviens de lui, notre rencontre sur cette île, son visage, qu'il a essayé de m'embrasser, que Nathan est mon frère.

Elle se leva et sortit de la pièce, me laissant seule. Pendant un bref instant je ne comprends pas sa réaction, aurais-je dit quelque chose de mal ?

Elle revient quelques secondes apres avec une seringue en main. Son sourire à disparu. Elle m'allonge que le lit, lève la manche de mon bras droit.

- Qu'est-ce que vous...

- Ça ne fera pas mal.

Je me débats, la suppliant d'arrêter mais elle a plus de force.

- Arrêtez ! criai-je.

C'est au moment où la pointe de l'aiguille s'approche de mon bras qu'elle s'arrête. Elle laisse glisser de ses doigts la seringue, la faisant tomber à même le sol.

- Je ne peux pas... je ne peux plus... murmura-t-elle.

Elle se laissa tomber sur sa chaise, couvrant son visage de ses mains.

- Pardonne moi... supplia-t-elle.

Elle se relève, essuie les quelques larmes de son visage et me fait descendre du lit. Nous avançons vers la porte qu'elle ouvre, et me demande de retourner dans mon dortoir en m'indiquant le chemin à prendre.

- Ce que tu viens de me dire, ne le dis à personne. Tu m'entends ? À personne ! dit-elle.

J'hoche la tête. Elle se rapproche vers moi afin de parler moins fort pour éviter que quelques oreilles indiscrètes nous écoutent.

- Personne ne doit savoir que certains de tes souvenirs reviennent, et surtout, ne fais confiance à personne, même pas à ton frère. Lui n'a peut-être pas retrouvé sa mémoire et évite de trop t'approcher de lui... qui sait ce qu'ils en ont fait de sa mémoire.

Elle soupire et me regarde droit dans les yeux d'un air grave.

- Si on te pose des questions sur toi ou sur ton ancienne vie, tu ne sais pas. C'est ce qu'ils veulent entendre. J'imagine que Nathan a dû savoir qui tu étais et on mêlé ton image à certains traumatismes ou certaines peurs...

Elle se redresse et reprend son sourire, comme si de rien n'était. Nous nous saluons, avant de partir je la remercie mais j'ignore son nom.

- Miss Pâque, répond-elle avant de fermer la porte.

Rentrée dans le dortoir, j'y suis quelques minutes avant le couvre-feu. Les filles ne sont pas là, j'en profite pour m'allonger et essayer de dormir avant qu'elles n'arrivent. Je n'ai pas envie de causer avec elles.

Je ne peux plus...

Ces mots résonnaient dans ma tête. Elle a refusé de me piquer, mais certainement pas les autres. Je me dis que si j'ai eu de la chance, certains comme les filles ou encore Nathan n'en ont malheureusement pas eu droit.

Pourquoi cherchait-on à faire oublier les souvenirs de tous ces enfants ? Je me remémore le visage de Madame De Sauveterres, son sourire, quand devant l'écran je lui ai dit que je ne me souvenais pas de Nathan...

J'entends la porte s'ouvrir, je me cache sous le drap, Mira et Océanie m'appellent, me demandent si je dors mais je ne réponds pas, ne bougent pas d'un poil.

Esther entre quelques instants après et ferme la porte à clé. Je l'entends monter au dessus du lit. Océanie et Mira discutent avant qu'elles aussi ne sombrent dans le sommeil.

Je ne ferme pas l'œil. Je ne sais même pas s'il fait nuit, aucunes fenêtres ne permets de voir la course du soleil.

Tous ces enfants, ignorants sûrement l'existence du Soleil, ainsi que leur ancienne vie oubliée, effacée... on le leur a volé.

Sujet A23 (La fille des eaux/Tome 2)Where stories live. Discover now