06 - Il n'y est pas allé avec le dos de la main morte

133 20 4
                                    

Azaghel était un ange mineur. Un petit livreur qui avait bien vécu sa vie et qui désirait désormais rester en dehors de toutes ces guerres angéliques. Il avait ouvert un bar en haut et Azariel s'y rendait souvent, puisque les bagarres y étaient rares et l'alcool était très bon. Il ne pouvait pas dire que la compagnie de l'ange pacifiste n'était pas ennuyeuse mais on ne pouvait pas tout avoir. Au moins était-il plus respectueux de sa condition d'Elu de Gabriel que la moyenne des anges.

L'ange aux yeux verts et au sourire à dix mille volts aurait dû se trouver au paradis et pourtant, Azariel pouvait sentir sa grâce pulser au rez de chaussée. Azariel dévala les marches et se cogna plusieurs fois aux murs avant de pousser la porte de la salle principale par laquelle il était arrivée. La musique s'était tue et les lieux étaient déserts. Enfin, déserts de vie, en tout cas. Des corps inanimés jonchaient le sol, les sofas, les tables et même les cages de strip tease.

Un seul homme se dressait dans ce charnier. Un brun, dont les jolies boucles dansaient au fur et à mesure qu'il marchait sur les humains morts pour le rejoindre. Azariel se fit la réflexion que Dante avait fui mais il se cachait dans l'ombre d'une alcôve privée, derrière un verre, sous la forme d'une petite chauve souris roussette. Ses petites ailes tremblaient et il émettait des ultra sons désagréables. Si Justinien ne pouvait pas l'entendre, c'était bien que la prison l'avait plus endommagé qu'on le lui avait dit.

Le fugitif marchait lentement, écrasant des jointures, évitant des crânes ensanglantés. Il leur avait montré sa grâce, dans sa totalité. Ses grâces. Il détectait la grâce d'Azaghel, mais aussi celles d'autres anges, qu'il avait à peine fréquenté. On avait arraché ses ailes à Justinien alors il s'était procuré de la grâce angélique, par le meurtre. C'était logique, quand on y pensait, mais Azariel aurait aimé savoir que son ami avait été vidé de son essence.

D'un signe discret de sa main tremblante, Azariel fit signe à MinSu de rester en arrière. Celui-ci se cacha derrière une colonne. Apparemment, Justinien ne l'avait pas vu. Quand il fut sûr de cela, il déplia ses ailes et s'avança d'un pas, le dos droit. Chaque plume de ses quatre ailes était marquée d'un Don en langue d'Henoch, le symbole de Gabriel. Elles brillaient comme de l'or en fusion.

"Justinien, par le pouvoir qui m'est conféré par l'archange Gabriel et le Concile des Archanges, je vais mettre fin à tes jours."

L'ange criminel sembla enfin lui accorder l'attention qu'il méritait et se mit à rire aux éclats, comme un méchant de film. De mauvais film. Il s'essuya les yeux quand il eut fini de se moquer d'Azariel et ouvrit les bras, comme Jésus sur la croix.

"Il y a loin de la coupe aux lèvres, petit angelot."

Puis il se jeta sur Azariel.


Justinien était rapide. Azariel ne savait pas d'où il tenait cette épée angélique mais elle pouvait le tuer, il en était certain. Peu de choses pouvaient mettre fin à la seconde vie d'un ange mais ce bout d'argent béni par Dieu lui même le pouvait. Fort heureusement, l'envoyé de Gabriel en avait une aussi. Il se sentait en danger, pour la première fois depuis un moment, mais il avait de quoi se défendre.

Alors que les deux épées s'entrechoquaient, Azariel vit MinSu, le teint vert pâle, se glisser hors de sa cachette pour rejoindre le vampire, toujours grelottant et caché. Il avait un plan ou peut-être voulait-il que Dante ait un service à lui rendre s'ils survivaient. Si quiconque survivait à cet affrontement. Azariel, tout gonflé de la confiance du Concile, n'était même pas sûr de le pouvoir. Ce monstre s'était repu de la grâce de ses frères et il avait tué un nombre incroyable d'humain, et ça en moins d'un cycle complet.

Trahison et Nouilles Sautées [Azariel - 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant