18. LUI

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La fille des propriétaires de l'hôtel me fixe de derrière le bar, l'air surpris et angoissé à la fois. De toute évidence, elle n'est pas très heureuse de me trouver là, elle ne s'attendait pas à me voir.

- Que fais-tu ici ?

Sa voix au fort accent français est empreinte de stresse et de colère. Colère contre moi ? Je n'en ai pas la moindre idée.

- Tu as dit que l'on pouvait venir dans ce bar. Je n'en pouvais plus de rester enfermé dans ma chambre... Je ne savais pas que tu serais là.

Elle continue de me fixer, puis baisse son regard qui s'emplit de tristesse... et de compréhension. Je me demande comment elle gère la situation de son côté, ce qu'elle ressent. Est-elle autant affectée que moi ? Se sent-elle perdue ? Est-elle en colère et désespérée tout à la fois ? Fait-elle, elle aussi, des cauchemars de cette soirée ?

Son regard est perdu dans le vague. Elle est perdue dans ses propres douleurs intérieures et dans ses propres souvenirs. Je n'ose pas l'interroger. De toute façon, ça ne me regarde pas.

- Veux-tu boire ou manger quelque chose ?

Sincèrement, je n'ai envie ni de l'un, ni de l'autre. Je ne mange quasiment rien dernièrement. Je ne sais pas vraiment ce à quoi je m'attendais en descendant dans ce bar. Sûrement à y trouver un endroit bondé, à me fondre dans la masse. Cependant, je réponds :

- Non, merci.

Elle se contente de hocher la tête en essuyant un verre. Plus aucun de nous deux ne dit mot. Je ne sais pas trop pourquoi je reste, ni ce que je dois faire, mais pour une raison que je ne m'explique pas, être dans ce bar me fait du bien. M'enlève un peu de la pression qui comprime mon cœur.

Au bout de quelques minutes, je sens un regard sur moi. Je lève les yeux et croise ceux noisette de la française qui essuie un verre en me fixant, l'air songeur. Elle remarque que je l'observe à mon tour et rougit avant de détourner le regard, gênée. J'en profite alors pour la détailler.

De longs cheveux ondulés et châtains lui arrivant au milieu du dos entourent son visage fatigué à la peau pâle. Malgré les lumières tamisées à l'intérieur du bar, je devine facilement les cernes sous ses yeux et ses traits tirés. Et quelque chose me dit que j'en connais parfaitement l'origine... Elle porte un simple short en jean avec un débardeur bleu clair.

Quelques secondes passent puis finalement ses yeux viennent se reposer sur moi. Elle hésite un instant, puis décide de me poser la question qu'elle paraît retenir en elle depuis un petit moment déjà :

- Vous... Comment... Je veux dire, comment est-ce que vous gérez la situation, tous les quatre ? C'est plus simple quand on est à plusieurs... Non ?

Si seulement, pensé-je. Je passe une main sur ma nuque et soupire en fixant mes mains.

- Non. Non, pas vraiment... Bien sûr, on est là les uns pour les autres s'il y a besoin mais... Aucun de nous n'est réellement en état...

Je repense aux garçons. Niall regarde les informations en continue. Liam fait beaucoup de sport pour oublier, il appelle aussi sa famille plusieurs fois par jour. Quant à Louis... Il est celui qui s'exprime le moins, qui s'enferme le plus. Il reste enfermer dans sa chambre. Mais il s'enferme aussi sur lui-même, comme une huitre dans sa coquille. D'habitude, il est toujours prêt à rigoler avec nous, à faire des blagues, mais maintenant, plus rien. Niall a également perdu de sa bonne humeur. Je sais que Louis a hâte de rentrer auprès de son fils, Freddie. Il est né en janvier et n'a que quelques mois.

Mais la vérité, c'est que l'on se croise à peine, tous les quatre, durant la journée. Chacun reste de son côté. Dans sa chambre. A tourner en rond. A se lamenter en se remémorant les souvenirs de cette nuit surréaliste. Cette nuit d'horreur. Encore et encore.

ViesWhere stories live. Discover now