Five [Sous Contrat d'édition Hugo Poche. Sortie le 13 Juin 2019]

Five / Chapitre 8.

Ma compagne est raide et très mal à l'aise. Elle me donne envie de lui prendre la main pour la rassurer mais ce n'est ni le moment, ni le lieu. Encore moins dans mes habitudes. Montrer une quelconque faiblesse est risqué ici.

Mon père se retourne et me regarde. Un sourire suffisant aux lèvres, il s'allume un cigare.

-Noah, comme c'est généreux de ta part de nous honorer de ta présence. Moi qui pensais que tu allais encore me faire attendre.

-J'ai besoin de me défouler. Autant démolir un de tes cracks, je lui réponds.

-C'est toi mon champion, pas eux, réplique-t-il.

Ses yeux verts si semblables aux miens se tournent vers ma silencieuse voisine. Sans me laisser le temps de dire quoi que ce soit, il fait un signe de la main et un de ses sbires la pousse dans le dos pour qu'elle avance.

-Mademoiselle Hunname. Étant nouvelle dans notre ville, laissez-moi vous accueillir convenablement !

Son visage a perdu ses couleurs, ses yeux sont comme deux billes noires et ses poings si serrés que ses phalanges sont blanchies. Son manque de contrôle est flagrant.

Un éclair de haine passe dans ses yeux gris, vite caché. Elle détourne le regard et me fixe.
Quoi ? D'où le connaît-elle ? Elle débarque de je ne sais où, semble détester mon père, fait des mystères sur son passé. Mais que cache cette fille ?

-Monsieur Lyons, finit-elle par dire d'un ton froid et sans vie.

Elle s'est reprise et j'ai l'intuition d'être le seul à avoir remarqué son aversion totale envers lui.

-On m'a rapporté que c'est vous et non mon fils, qui êtes responsable de la mort de Kenny.

Il insiste sur notre lien de parenté sachant très bien que ça me fait chier.

Et merde ! Il est au courant. Comment l'a-t-il su ? J'avance d'un pas mais il m'arrête d'un regard.

-Heu,... oui. Je n'ai pas volontairement tué cet homme mais... elle hausse les épaules et continue, mais il valait mieux lui que Five, non ?

Elle fait la brave, le menton levé. Pourtant, pâle comme une morte et se tenant le poignet, elle n'en mène pas large.

-Mon fils est capable de se défendre. S'il ne le savait pas, il ne mériterait pas de rester en vie. Je ne veux pas de faible ici, rétorque mon connard de paternel.

N'être qu'un pion dans son empire n'est pas nouveau donc sa déclaration ne m'étonne pas. Au contraire d'Evy qui sursaute à ses mots, choquée, et me jette un regard d'incompréhension.

-Surprise, ma jolie, tu croyais que cet homme en a quelque chose à foutre de moi parce qu'on a des gènes en commun ?

-Tais-toi, me fait-il. Je n'apprécie pas que l'on supprime un de mes hommes, même un petit cafard. Donc tu as un gros problème. Il va falloir me rembourser les pertes.

Tel un vautour sur sa proie, il tourne autour d'elle, semblant se poser des questions. D'habitude il est plus expéditif, se débarrassant de ceux qui sont sur son chemin et s'en servant pour faire un exemple.

Soudain, il attrape ma compagne par les cheveux et la regarde de plus près. Elle sursaute mais a la force de ne pas se mettre à supplier de peur. J'en ai vu des plus costauds se pisser dessus face à Lyons. Elle a du cran, je dois le reconnaître.

-Tu me fais penser à quelqu'un, déclare-t-il. Je te connais, j'en suis certain.

-Non, on... on ne s'est jamais rencontré, sa voix est chevrotante et pas plus forte qu'un murmure.

Son regard gris exprime toute sa peur. Elle maintient ses dires mais Lyons a mis le doigt sur un détail. Une lueur de panique est apparue au moment où il a affirmé la reconnaître. Mais qui est-elle ?

-J'ai la mémoire des visages. Je n'oublie jamais personne.

-Arrête ! Fais-je. Tu ne vas pas lui reprocher d'avoir débarrassé le monde de Kenny. Tu aurais perdu bien plus si j'étais mort. Tes gains sur les paris en auraient pris un sacré coup.

Toujours parler fric avec lui. Il n'y a que ça qui le motive et est à même de détourner son attention de ma menteuse.

Il la relâche dans un geste brusque qui la fait vaciller. Je la rattrape par les coudes.

-Comme c'est mignon, fait-il sarcastique. Tu te sens l'âme protectrice. Un vrai chevalier en armure. Tu la défends contre moi, tu fais en sorte que je pense à autre chose... pourtant tu ne l'as pas encore sautée si je ne m'abuse ? Oui, j'ai mes sources, enchérit-il en me voyant surpris de cette info.

-Je n'en ai rien à foutre de ce que tu penses, je réplique en avançant vers lui.

-Non, ça je le sais. Bon maintenant, tu vas descendre et faire ton job. Pendant ce temps, je vais continuer ma conversation avec ta pute. Nous n'en avons pas fini nous deux.

-Hey, je ne suis pas sa pute, j'entends râler à côté de moi.

-Pourquoi je te ferais ce plaisir ?

-Parce que dans quelques jours, c'est SON anniversaire et que, peut-être cette année, tu pourrais être son cadeau...

Merde, il m'a eu, échec et mat. Il me tient par les couilles. Il sait que mon seul but dans la vie est de retrouver ma demi-sœur. Et donc, que je ferai tout ce qu'il me demande tant qu'il me cachera où elle se trouve et son identité.

Je me détourne et pars exécuter ses ordres.

En claquant la porte.

Putain de vie.

 ******

Je me change et me bande les mains tout en essayant de me sortir de la tête ce qu'il vient de se passer. Il faut que je reste au moment présent sinon je suis bon pour être mis au tapis plus vite que mon ombre.

Pour ma demi-sœur, je ne peux rien faire dans l'immédiat. Il me tend cette carotte depuis plus de dix ans.

Depuis que j'ai appris son existence, je veux la retrouver, la connaître. Mais c'est LUI qui a les cartes en mains. Il la cache et s'en sert pour m'imposer son bon vouloir.

J'ai fait des trucs horribles pour avoir des miettes d'informations, une photo, un signe de sa survie, l'espoir de la voir et lui parler...

Shane est sur l'affaire. Il cherche, fouille et enquête. Il est comme un chien sur un os, il ne lâchera pas l'affaire avant d'avoir trouvé. J'ai confiance en lui. Mais ça prend du temps et j'en ai marre.

La question importante pour l'instant est ce que cache Evy. Ses secrets m'attirent comme une flamme. Si elle hait mon père autant que moi, je sens qu'on pourrait mettre en commun nos projets.

Et si en plus, il y a de la baise, c'est tout bénef pour moi. Son corps et son regard empli de mystères me tentent. Sa résistance à mes approches, pour savoir la vérité et la séduire, me plaît plus que de raison.

Ce défi ambulant est comme un drap rouge agité sous le nez d'un taureau. Mettre un plan en place va m'obliger à être malin et sournois. Et j'aime ça.

Pour le moment, elle est avec mon père et la peur qu'il lui fasse du mal sans ma présence pour le freiner me rend nerveux.

En conclusion : il ne faut pas laisser durer le combat. Je vais devoir être rapide.