Chapitre 43

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Je restais seule avec Samuel, ne sachant pas si je devais rompre le silence qui nous enveloppait, et me contentai de regarder le dos d'Allan jusqu'à ce qu'il ne soit plus visible entre les branches. Je respirai un bon coup pour apprécier l'air de la forêt et son parfum. Décidant malgré tout que je n'avais pas de temps à perdre à tourner autour du pot, j'allai ensuite me planter devant mon compagnon. Ses yeux sombres n'exprimaient rien.

- Tu es fâché, lâchai-je. Tu m'en veux de t'avoir caché tout ça.

Je ne pris pas la peine de donner à ma phrase une intonation interrogative. J'étais certaine qu'il bouillait de colère, au fond de lui.

Samuel se leva, si près de moi que je sentis son souffle sur mon visage. Nous nous dévisageâmes longuement – beaucoup trop à mon gout – mais le GEN finit par secouer la tête.

- Non, répondit-il enfin. Je ne crois pas. Je suis déstabilisé, et peut-être un peu déçu de ne rien avoir su plus tôt, mais, non, je ne suis pas fâché.

Je haussai les sourcils, incrédule. Si les rôles avaient été inversés, je serais probablement entrée dans une fureur monstre.

- Je ne sais pas ce que j'aurais fait, si j'avais été à ta place, reprit Samuel pour se justifier. Peut-être que cela aurait été exactement pareil, peut-être que j'aurais dû agir seul dans ton dos. Tu as fait ce que tu pensais nécessaire, et je n'ai pas le droit de te blâmer pour ça.

J'opinai doucement et tendis la main pour entrelacer mes doigts aux siens. Samuel sourit et fit un pas en avant pour coller son front au mien. Je ressentis un peu de culpabilité en songeant qu'il était beaucoup plus compréhensif que je ne le serais jamais moi-même.

- Samuel, j'ai encore une chose à te dire, murmurai-je alors.

- Je t'écoute.

- Ça concerne Marwa.

Je m'écartai un peu de lui sans lâcher sa main pour parler. Je préférais qu'il apprenne toute cette histoire de ma bouche plutôt que par de bruits de couloir. J'avais trouvé l'article de journal parlant d'une série d'homicides dans un chalet, à des kilomètres de là, dans les affaires d'Amanda, alors que je cherchais des vêtements à lui porter un peu plus tard.

- Marwa a disparu, Sam, annonçai-je. Cela remonte à quelques semaines. Elle a cessé de faire ses rapports et s'est volatilisée. Marx a envoyé quelqu'un à sa recherche et... Enfin, cette personne a découvert qu'elle avait fui avec un humain.

- Philippe.

La voix de Samuel ressembla à un grincement lorsqu'il prononça le mot, et son visage se déforma de contrariété. Il repoussa ses cheveux pour se ressaisir.

- Qui ? l'interrogeai-je.

- Philippe, répéta lentement Samuel. Cela ne peut être que lui.

Mon compagnon agita la tête, désabusé :

- Marwa m'avait parlé de lui. Lorsqu'elle était plus jeune, juste après la fin de sa formation, elle a été envoyée en mission d'infiltration en France. Elle travaillait au conseil général, mais je ne sais plus où exactement. Elle fournissait des infos et détournait de l'argent pour l'Institut. C'est là qu'elle a rencontré ce type, et ils se sont mariés. Les GEN en mission en ont le droit, et elle a aussi élevé son fils, Isaac.

- Sauf que sa mission a fini par prendre fin, commentai-je.

- Oui. Les règles sont claires, dans un cas pareil, Luna. Aucune trace du passage du GEN dans le monde des humains ne soit subsister. Les familles fondées pendant ce temps, les amitiés trop proches, tout cela doit disparaître. Ces gens doivent mourir, et Marwa a dû s'occuper de Philippe et de son fils.

- Mais si c'est vraiment cet homme que Marwa est allée rejoindre, ça veut dire qu'elle ne l'a pas tué comme elle le devait.

- Elle l'aimait, souffla Samuel avec une légère amertume.

J'esquissai un sourire compatissant et serrai sa paume. Il était affecté par les cachotteries de son mentor, à moins que ce ne fut juste le fait de savoir qu'elle avait disparu. Or, je n'en avais pas fini avec ce sujet, et devait lui asséner pire nouvelle encore.

- Je suis désolée, Sam, dis-je avec douceur, mais leur cavale n'a pas duré longtemps. Il y des rumeurs ici, mais comme tu viens d'arriver, tu ne dois pas être au courant... Des corps ont été retrouvés dans un chalet incendié. Cette histoire est passée dans le journal.

- C'était Marwa ? demanda mon ami, dents serrées.

- Je pense que oui. Parmi les morts, il y avait deux couples avec des jeunes enfants, un homme plus âgé et deux autres personnes qu'il a été impossible d'identifier. D'après ce qui se dit, leur ADN ne correspond à rien.

- Ce sont des GEN. Marwa et l'agent envoyé par Marx à ses trousses.

- Oui, Sam. Je suis vraiment désolée.

Je passai mes bras autour de son cou et il me serra fort. Il n'y avait rien à ajouter, j'imaginais juste la peine que Samuel devait éprouver. Si je perdais Allan un jour... Le plus ironique, dans tout cela, c'était que sa professeure avait choisi de partir si peu de temps avant que je n'organise quelque chose avec les Revenants. Elle aurait pu fuir avec nous, et retrouver son Philippe.


***


Le soir venu, je dînai au réfectoire en compagnie de Samuel et d'Allan. D'ordinaire, je prenais mes repas avec Amanda, Tribal, et parfois Ismaël et Geb, mais ceux-ci étaient absents. L'un croupissait dans une cellule, à lutter contre la folie, et l'autre m'évitait consciencieusement. A l'époque où je venais juste d'être transformée, il y avait encore Victoire, mais aussi Guilhem et Marc. Ce n'était sans doute pas le moment propice pour ressasser des idées noires, mais il fallait quand même noter qu'une certaine proportion de ces personnes était désormais passée de vie à trépas....

Je me retirai rapidement dans ma chambre avec Samuel. Allan gagna la sienne – il aurait paru beaucoup trop bizarre qu'il vienne avec nous – pour débuter son piratage des caméras.

Je commençai par prendre une douche et enfiler des vêtements propres avant de me mettre à l'ouvrage devant un ordinateur. Samuel prit le sien, la clef USB contenant P.I.A posée sur le matelas, et lança le logiciel.

Ce fut un travail long et fastidieux. Codes informatiques, mots de passe, effaçage des traces numériques... Je me souvenais à présent très bien pourquoi je n'avais pas cherché à me spécialiser dans ce domaine. Avoir un informaticien avec nous nous aurait facilité la chose, mais ce n'était pas le cas. Fort heureusement, N.I.A était hors-service, sans quoi nous n'aurions pas réussi. Lorsque nous terminâmes, il était plus de deux heures du matin, mais la base était prête. Elle ne demandait qu'à être peaufinée et activée au dernier moment pour prendre le contrôle des puces électroniques, mais aussi de certains types d'armement. Allan pourrait aussi y jeter un coup d'œil pour y apporter des modifications et parfaire le plan.

Samuel se coucha très vite et je me glissai près de lui, sans pour autant dormir. Prise d'une subite envie de revoir le visage de mes parents, je me relevai à peine dix minutes plus tard pour dérouler la photo cachée dans le placard et la fixai, la gorge nouée. Je m'assis sur le tapis, le papier en main, et ne le quittai pas des yeux, forçant mon rythme cardiaque à demeurer le plus calme possible.

Nul ne savait quand Niels allait attaquer. Il ne restait plus qu'à attendre. 

GENESIS (3)Donde viven las historias. Descúbrelo ahora