Tendresse

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L'air froid de la nuit les accueillit en son sein glacé. Au moins, la pluie s'était retiré, laissant sur le monde son empreinte scintillante que faisait doucement luire les réverbères.

-Qu'avez-vous pensé de cette soirée ? demanda Watson en glissant son bras sous celui de Holmes.

Le détective haussa les épaules.

-Assez instructive, je suppose.

-N'évitez pas la question, Holmes ! Vous savez très bien de quoi je veux parler !

Son ami jeta sur lui un regard amusé.

-Vous voulez connaître mon avis sur les fantômes, mon cher Watson. Vous savez pourtant que ces questions ne sont pas mes priorités...

-Tout de même, Holmes ! La vie après la mort !

-Vous touchez le point, Watson: après la mort. À quoi bon s'en soucier maintenant ? Je crois effectivement aux fantômes, mais pas de la même manière que ces spirites. Je crois que les hommes créent leurs propres revenants.

-Mais ce que la médium a dit, avouez au moins que c'était troublant...

-Mon cher Watson, votre imagination galopante vous rend parfois un peu crédule !

Le docteur se serait vexé de la remarque si elle n'était pas accompagnée d'un sourire plein de gentillesse. Un coup de vent le fit frissonner au moment où il allait répondre. Holmes serra un peu plus son bras autour du sien pour l'amener contre lui, dans l'espoir de les réchauffer tous les deux.

-Très bien, soupira Watson, expliquez-moi donc !

-Oh, c'est vraiment très simple, mon cher ami ! J'ai assisté des séances bien plus alambiquées que celle-ci, qui reste à un niveau d'effets spéciaux et de charlatanisme très bas. La médium a d'abord parlé d'un petit garçon. La perte d'un enfant étant le souvent reconnu comme une des plus difficiles à surmonter, il y avait fort à parier qu'au moins un parent éploré se cache dans le public. Elle n'a eu qu'à repérer la personne qui se sentait concerné pour focaliser son attention sur elle.

-Mais elle a deviné que la femme allait se suicider !

-Vous en êtes certain ?

-Eh bien...

-Elle n'a fait que lui délivrer un message des plus vagues. La femme l'a interprété comme elle le désirait. Ensuite, la médium a parlé d'un homme en costume militaire. Après la guerre, il était tout à fait raisonnable de penser que quelqu'un dans la salle connaîtrait un militaire décédé. Comme nul ne réagissait, elle a lancé au hasard un prénom très répandu, puis elle a abandonné cette idée pour se concentrer sur son troisième type de victime habituel : les veuf et veuves éplorés.

Watson poussa un profond soupir.

-Ce n'était pas Mary, n'est-ce pas ?

-Bien sûr que non, ce n'était pas Mary ! Mary était une femme d'une intelligence peu commune. Ne pensez-vous pas que si elle était revenue tout spécialement du monde des morts, elle aurait quelque chose d'un peu plus intéressant à nous dire ?

-Certes, convint doucement Watson.

Il le savait, bien sûr. Mais, quelque part, au plus profond de lui, il était un peu déçu.

Ils étaient arrivés devant le 221b. Au premier coup sur la porte, Mme Hudson vint leur ouvrir, et leur promis un dîner froid, que les colocataires déclinèrent gentiment avant de monter se réchauffer au coin de l'âtre.

L'affaire du fantôme qui en savait trop (Victorian Johnlock)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant