Blessure

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-Watson ! s'exclama Holmes juste avant que son ami actionne la poignée de la porte.

Le docteur sourit en songeant qu'il avait reconnu ses pas dans l'escalier. Ce qui sous entendait qu'il le guettait certainement. Oui, quoi que les gens puissent dire, et même s'il était mauvais écrivain, il lui restait Holmes. C'était la seule chose vraiment importante. Cette pensée fit naître sur son visage un sourire, juste au moment où il entrait dans la pièce.

-Une bonne soirée ? Demanda gentiment le détective.

-Forte ennuyante. J'aurais mille fois dû venir avec vous !

-Oh, vous ne vous seriez pas beaucoup amusé non plus ! Soupira l'autre.

-Rien de nouveau, alors ?

-Hélas non. Des tables qui volent, ou presque, des objets suspendus à des fils à peine transparents, de la peinture fluorescente à tors et à travers...

-Malone, Challenger ?

-Ils sont en effet passé par là, mais pas longtemps. Il paraît que le professeur a quitté la pièce au bout d'une minute seulement, en cassant la poignée de la porte au passage. Je ne le blâme pas, si je n'avais pas eu d'enquête à mener, j'aurais volontiers fait de même !

-Que fait-on ensuite ?

-Ne vous en faites pas, mon cher, j'ai quelques plans en réserve !

Holmes attendit que Watson le presse de questions, comme d'habitude, mais le docteur se sentit soudain extrêmement las.

-Si vous le dites. Vous me pardonnerez, Holmes, mais je suis vraiment fatigué. À demain.

Et, sans laisser le temps au détective de répondre, il alla s'enfermer dans sa chambre.

Les yeux du docteur tombèrent malgré lui sur l'histoire qu'il était finissait juste de rédiger, étalée en feuillets sur son bureau. L'affaire de la sangsue rouge.

Il se saisit de feuilles noircies de son écriture et les relit en diagonale. Immédiatement, ses phrases lui apparurent lourdes, maladroites, pleines de redondance, et dans un style atroce. Comment avait-il fait pour ne pas s'en apercevoir ?

Dans un accès de rage, il déchira les pages et les jeta dans la corbeille à papier. Son regard se posa sur les magazines du Strand, fièrement exposés sur une étagère.

Il s'en saisit et les jeta par terre, un par un.

Puis il s'allongea dans son lit, rabattit sa couverture par-dessus sa tête, et ferma les yeux le plus fort possible pour s'endormir, en essayant d'ignorer la douleur qui pulsait de sa jambe, de son ventre, et de son cœur blessé.

~

-Bonjour Watson ! Eh bien, quelle mauvaise mine ! Commenta Holmes en voyant son ami débarquer dans le salon. Vous ne m'avez pas habitué à un réveil aussi matinal, dites-moi ! Le soleil se lève à peine.

-Mal dormit, grommela Watson en s'affalant sur sa chaise.

Il jeta un regard dubitatif à son petit déjeuner, et y renonça d'un air vaguement dégoûté. Holmes fronça les sourcils.

-Seriez-vous malade ?

-Je ne suis pas malade, Holmes, j'ai sommeil. Ça ne vous arrive jamais, les nuits d'insomnie ? Oh, pardon, j'oubliais que vous étiez meilleurs que le commun des mortels ! Sherlock Holmes l'homme parfait ! Si parfait qu'il s'injecte son propre poison ! Le meilleur détective du monde !

Holmes le regarda d'un air choqué.

Watson se rendit soudain compte de ce qu'il avait dit et plaça une main sur sa bouche.

L'affaire du fantôme qui en savait trop (Victorian Johnlock)Where stories live. Discover now