Gravé à vie

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Comme chaque matin, une faible lueur passe à travers mes paupières. Je sens du mouvement à mes côtés,sûrement mes parents qui s'éveillent aussi. Pas de râles, pas de plaintes, il semblerait que mon diable de petit frère ne soit pas réveillé. Je passe une main sur mon visage. Argh, le coup que m'adonné cet imbécile me fait toujours mal au crâne. Ça va, j'ai juste voulu jouer avec lui, quel genre de personne frappe sa grande soeur pour passer sa colère? Toujours est-il que le matin ayant pointé le bout de son nez, je replie mes genoux, retire mes vêtements en toute discrétion, pour les remplacer par ceux déposés sur la chaise, tout propre, et bien pliés. J'admire ma silhouette féminine dans le reflet des flaques d'eau de la pluie de cette nuit,mesure ma poitrine et mes hanches. Pendant mon affaire, une douleur aigüe dans le bas du dos vint m'arracher un cri. C'était un fardeau quotidien. Le coupable était une sorte de moignon me pousse dans le bas du dos,j'ignore ce que c'est. C'est juste une ignoble boule de poils roux et blancs qui me pique tous les matins comme une aiguille. Si je montre ça au médecin local, il va m'accuser de possédée ou de sorcellerie. Je donnerais peu chère de ma peau.

Je m'étire un coup, lâche un soupir de dépit, et réveille mon petit frère en le secouant un peu de l'épaule. Comme d'habitude, il ouvre les yeux, puis les referme,comme pour me dire d'aller me faire foutre. Ce paresseux ne fait pas d'effort, il travaille peu alors que Papa et Maman se démenaient à son âge pour gagner de l'argent. On vit dans une maison modeste, en périphérie de la grande ville, mais on peine à chaque fois à payer les dîmes imposés par cette foutue religion qui manipule les armées. Ah, j'ai parlé de vêtements? Non, c'est plus des haillons que je mets en fait. C'est moche, mais ça me gêne pas dans mes mouvements, donc ça m'arrange bien pour les corvées fatigantes. Je plains quand même ces jeunes filles nobles obligées de porter des corsets à tout bout de champ. Papa dit toujours que mes vêtements gâchent ma beauté, mais bon, qui s'intéresserait à une paysanne sans histoire ?


On commence à manquer de bois pour la cheminée. On dirait le début d'une histoire clichée, genre je m'absente et quand je reviens tout le monde est mort. De toute façon je vais pas bien loin, mais bon, je n'aurais plus la maison en visuel pendant quelques minutes. Mais, pourquoi je m'inquiète? Ça n'arrivera pas, enfin.

 Sur le chemin, quelques petites branches entravent ma route. Ça me rappelle quand je jouais avec mon petit frère ici, on se lançait des mûres dessus, et on courait partout dans cette petite forêt. Peu à peu, je l'ai de moins en moins accompagné pour aller jouer, je devais aider Maman à la maison, quand Papa s'absentait pour son travail sous-payé. Chaque jour, il revenait épuisé, les mains en sang et terreuse, et toujours la même routine, il s'affalait sur son tabouret miteux, et se plaignait de l'injustice de la vie, jurait, maudissait son employeur. Ces menaces étaient devenus insignifiants de jour en jour, si bien qu'on ne l'écoutât plus. Mon petit frère a commencé à changer quand Papa a été rattrapé par sa vieillesse, et qu'il fut obligé de l'aider dans son emploi. La loi contre le travail des enfants, on connait pas ça ici. Il s'évadait de plus en plus dans la forêt à partir de là, et il revenait toujours les genoux en sang. Il nourrissait une haine de plus en plus intense envers Papa, et je détestais le regard qu'il lui portait. Papa, il est trop clément avec lui. Il fait mine de ne pas s'apercevoir du regard que lui porte son fils, la chair de sa chair, et continue de donner son amour. C'est triste pour un parent, de ne pas être aimé en retour...

Bon on s'est trop évadé, on se fera du mouron pour Papa plus tard, pour l'instant concentrons-nous sur le chauffage de la maison, j'ai pas envie de me les geler cet hiver. Ce serait bien d'être un mage, de nos jours. Des flammes pour se réchauffer et de la route. Mais bon, tous ceux qui ont droit à ce privilège siègent bien confortablement à la capitale. Moi aussi j'aimerais bien me lover dans un petit fauteuil en velours, faire installer un domestique sous mes pieds pour faire office de table basse, et des beaux jeunes hommes en soubrette pour obéir à chacun de mes caprices. 

Rah ! On s'égare de nouveau ! Bon, voilà, je récupère vite fait quelques branches et bûches oubliées par les bûcherons qui passent par là et basta ! Je hâte le pas, même si la maison est pas confortable, on se sent plus en sécurité que dans les bois. Je prends quelques mûres sur le passage, ça pourrait plaire à plus d'un à la maison. Comme une abrutie, j'ai perdu à plusieurs reprises le chemin du retour, déchiré ma robe aux manches à force de tirer sur les ronces qui obstruent le passage (c'est Maman qui va être contente !). Cette promenade bucolique est devenu un vrai calvaire ! 

~

J'aperçois enfin la maison ! Papa est assis comme à son habitude sur son tabouret, et dans  l'angle de la maison, mon petit frère qui grattait le sol, sûrement à torturer des fourmis.

J'écarte la mèche qui se balance devant mes yeux. Beaucoup de vent aujourd'hui, c'est pénible. Je penserai à l'avenir à me couper un peu les pointes, ça fera de la masse capillaire en moins.

Je respire un grand coup, dépose les branches que j'ai sur le dos et dans les bras, m'étire. Quelque chose n'allait pas. J'ai l'habitude de respirer un air pur, mais là, il y a comme une odeur de... menace. Oui une odeur de menace. Papa a finalement fini par être endetté, et ses créanciers le pourchassent? Non, quelque chose de différent arrive. Des personnes de la capitale peut-être? 

D'ailleurs, comment j'ai fait pour sentir ça arriver? ~ C'est comme l'instinct d'un animal de la forêt qui sent le danger à l'horizon et qui se terre? On dirait une fin de chapitre vaseuse avec des questions pourries. Après c'est peut-être juste un hasard, et que cette journée sera aussi paisible que les autres. On va vite être fixés. ~~~





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⏰ Last updated: Sep 17, 2017 ⏰

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