Hate me Harder

Chapitre 2: Partie 1

- Tu es tellement belle...

Kimi allait craquer. Cela faisait maintenant une demi-heure que son premier rendez-vous ne cessait de lui répéter à quel point elle était belle. C'était extrêmement dérangeant. Elle n'avait pas besoin qu'on lui répète qu'elle était jolie : elle le savait, sans aucun narcissisme. Mais la beauté ne faisait pas tout. Pourquoi ce type n'essayait-il pas de s'intéresser à sa personnalité ? N'avait-il aucun autre sujet de conversation que l'apparence physique ? Kimi en avait ras la casquette. Elle ne se départit cependant pas du charmant sourire qui était collé sur ses lèvres depuis le début de cette mascarade et essaya de changer de sujet.

- Qu'est-ce que tu fais dans la vie ?

- Je suis agent immobilier. Je vois de sublimes lieux de vie chaque jour, mais rien d'aussi sublime que toi, soupira-t-il avec émerveillement.

Kimi se retint de le regarder de travers. Elle l'encouragea à continuer d'un simple signe de tête, craignant de perdre de son amabilité si elle ouvrait la bouche. Tandis qu'il la complimentait encore et encore, son regard dériva vers son assiette vide. Elle avait pris des lasagnes, et quelques traces de sauce tomate formaient des arabesques. Si elle se concentrait suffisamment longtemps, elle pouvait y déceler des dessins, comme une petite tortue, ou un camion. Oui, son imagination ne connaissait pas de limites lorsqu'elle s'ennuyait.

- Et tes cheveux sont beaucoup plus beaux en vrai qu'en photo, tu crois que...

Elle se retint de soupirer et ses yeux heurtèrent la fourchette. Peut-être que si elle plantait celle-ci dans le bras de son interlocuteur, il cesserait enfin de lui faire des éloges. Le serveur apporta la carte des desserts et elle s'y plongea longuement. Les choix étaient infinis. Qu'allait-elle prendre ? Une glace ? Une île flottante ? Oh non ! Une gaufre !

- Et ton sourire...

Elle referma la carte d'un coup sec, ayant fait son choix ; elle n'allait rien prendre. Du moins, pas ici. Elle se força à sourire de manière éclatante, ce qui éblouit un instant le garçon en face d'elle dont elle n'avait même pas pris la peine de retenir le nom.

- Je suis flattée par tous ces compliments et je suis ravie que tu aies fait le déplacement, mais je n'ai plus faim, dit-elle gentiment.

- Oh. Pas de soucis on peut aller se promener.

- L'heure est pratiquement écoulée, je ne pense pas que ça vaille la peine. Je te remercie pour ce dîner, c'était... Intéressant. Nous nous reverrons peut-être, ajouta-t-elle en faisant un signe au serveur qui rappliqua avec l'addition.

Kimi paya rapidement sa part après avoir longuement insisté (ce qui rendit l'heure complète) puis s'éclipsa à la vitesse de l'éclair. Encore une minute de plus avec cet homme et elle finissait en prison pour tentative de meurtre.

C'était le tout premier rendez-vous qu'elle avait depuis que Sephora et Isaac avaient posté leur annonce, trois semaines plus tôt. Elle n'avait cessé de se questionner durant ce laps de temps, se demandant si elle avait bien fait d'accepter. Visiblement non. Si tous les autres rendez-vous devaient être ainsi, elle était dans de beaux draps. Le pire, c'était que ses parents cautionnaient ça. Ils l'encourageaient même. Lorsque Kimi leur avait annoncé la nouvelle trois semaines plus tôt, ils avaient été fort enthousiastes et l'avait poussée à se lancer dans cette « aventure qui lui permettrait certainement de rencontrer l'âme sœur ». C'était leurs paroles exactes. Elle avait cru pouvoir trouver du soutien de leur côté mais non, ils voulaient également la caser pour que sa vie soit encore un peu plus médiatique.

Elle prit la direction de la plage et s'y balada un moment. Les passants étaient nombreux, trop pour pouvoir les compter. Après tout, Los Angeles était réputée pour être une ville touristique. Kimi se fondit dans la masse et le fait de passer inaperçue parmi les gens qui l'entouraient la rassura. Elle ne se sentait jamais autant en sécurité qu'au milieu d'une foule, là où personne ne la remarquait parce qu'ils avaient trop à remarquer. Elle se sentait en sécurité, protégée par une barrière humaine inattentive, perdue au milieu des corps et des visages tous différents et pourtant si semblables. Plongée au milieu des autres, elle était seule avec ses pensées et les chuchotements des pas et des voix, elle pouvait se laisser aller pendant quelques secondes au moins.

Après s'être délestée de ses ennuis dans la foule, Kimi longea la plage jusqu'à ce qu'elle arrive sur une propriété privée : la sienne. La villa illuminait les alentours d'une lumière blanche éclatante qui donnait l'impression que des milliers de diamants scintillaient, ce qui était presque le cas métaphoriquement parlant. La villa valait une fortune. Immense, elle se dressait devant l'océan et dominait la plage de par ses murs blancs et ses baies vitrées innombrables. Un ou deux inconnus la contemplaient de loin, n'osant pas s'approcher et surtout ne le pouvant pas, le terrain était privé. D'autres gigantesques maisons blanches s'alignaient le long de la côte tel l'écho répété de la première.

Kimi et ses voisins s'entendaient assez bien, elle était même amie avec certains. Les Keller organisaient fréquemment brunchs et autres réjouissances avec leurs compatriotes fortunés dans le but égoïste d'étaler leurs richesses. Kimi aimait sa vie de privilégiée, tellement qu'elle ne se sentait pas prête à y renoncer. Pourtant, quelques fois, elle rêvait d'échanger son mode de vie luxueux contre quelque chose de plus simple et moins ostentatoire.

Elle gravit les escaliers de chez elle, tâchant d'oublier l'échec qu'avait constitué cette soirée. Au moment où elle posa sa main sur la poignée de la porte d'entrée, celle-ci s'ouvrit brusquement et son frère apparu.

- Alors Sis c'était bien ta soirée ? lança-t-il en l'attrapant par le poignet pour la faire rentrer.

Roméo leva les yeux au ciel face à la grimace de sa sœur. Il n'avait pas besoin de lui demander des explications pour savoir que ça c'était mal passé. Si ses parents étaient ravis que Kimi se lance dans ce projet, lui n'était pas réjoui. Il connaissait Kimi et savait que les coups de pubs de ce genre n'étaient pas à son goût. Ce qui devait être à l'origine une blague s'était presque transformé en émission de téléréalité grâce aux parents Keller. Ils s'étaient débrouillés pour rendre l'info publique et ils ne manquaient plus que les caméras pour rendre la mascarade complète. Pourtant, Kimi avait accepté d'y participer, pour faire plaisir à ses amis et aussi à ses parents, ce que Roméo trouvait franchement pourri. Elle devait penser à elle avant de penser à faire plaisir aux autres. Il ignorait pourquoi elle s'était lancée là-dedans mais il comptait tout de même la soutenir. La charrier aussi, parce qu'elle le méritait amplement.

- Tu as trouvé l'amour de ta vie ? se moqua-t-il.

- La ferme, rétorqua sa sœur en lui mettant une tape sur la tête. C'était insupportable. Ce type était tellement obnubilé par moi qu'il a dû en oublier son propre prénom.

- Tu aurais dû en faire ton esclave, il aurait pu être le mien par extension.

Kimi éclata de rire face à la remarque absurde de son petit frère. Elle l'étreignit rapidement, ayant retrouvé le sourire.

- Tu en vois un autre demain ? s'enquit-il en se dégageant de ses bras en faisant la moue.

- Oui. Un certain Trévor. Ou Victor. Hector ? Peu importe. J'ai hâte de voir comment celui-là va se débrouiller pour foutre en l'air son rendez-vous, soupira-t-elle en retirant ses talons hauts.

- Tu me raconteras.

- Ça marche.

Ils échangèrent un sourire complices avant de se séparer, Roméo sortant faire la fête et Kimi montant dans sa chambre. Ou plutôt à son étage personnel. Elle disposait d'une chambre, d'une salle de bain, d'un bureau, d'un dressing d'une taille impressionnante, d'un salon, d'une cuisine, d'une grande terrasse avec vue sur le Pacifique et sur laquelle trônait un jacuzzi abrité par une tonnelle. Elle n'avait pas à se plaindre.