The Songs of Osira - Tome 1 : La Légende des Cieux

Chapitre XXIV : Emeyrria - La Communion d'Esprit

- Emeyrria, cesse de réfléchir !

Maître Klummla est de moins en moins indulgente. Ce n'est que notre cinquième cours sur la Communion d'Esprit mais j'ai l'impression qu'elle nous traite comme si nous étions des fins d'année de quatrième niveau. Cet exercice est très compliqué pour nous, plus jeune que la normale, et elle ne semble pas s'en rendre compte. Cela fait quelques jours maintenant que tous nos cours d'escrime et de vol sont en commun avec le quatrième niveau. Et cela est épuisant.

- Ça suffit ! On fait une pause !

J'ouvre les yeux et décontracte tout mon corps. Enfin un peu de répit. Je soupire. La plupart de mes camarades sortent de la salle d'escrime et vont prendre l'air sur la terrasse. Je les suis de loin. Il fait nuageux dehors et l'air est lourd. Ça sent la tempête tout ça.

- C'est trop dur ! J'en ai marre !, s'écrie Meyla.

Pour une fois, je la comprends. Et pourtant, dans notre niveau, c'est elle qui est la plus proche de réussir, tout comme son frère Sori qui s'entraine désormais à maitriser sa Communion. Nous reprenons notre souffle pendant quelques minutes durant lesquelles la plupart des élèves se lamentent. Comme d'habitude, je me suis assise contre le tronc du Stirula. Pensive, j'observe le ciel. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas fait aussi noir.

Maître Klummla frappe dans ses mains et nous rappelle. Nous y retournons en trainant des pieds. Notre professeur d'arme décide de nous remontrer pour la énième fois comment elle fait pour y parvenir. Je soupire.

- On en a marre, Maître, déclare brusquement Viy.

Un silence pesant s'installe dans la pièce. C'est au tour de Maître Klummla de soupirer. Elle prend, étonnement, une attitude plus douce. Nous avons les oreilles grandes ouvertes à ce qu'elle va nous dire.

- Je le sais bien, et moi aussi j'en ai marre. Mais notre peuple est en danger et c'est de notre devoir de le protéger. Croyez-le ou non, cela me déplaît de devoir vous apprendre la Communion de manière aussi rapide et sans tout le travail qu'il y a avant. Mais nous devons faire au plus vite.

- Et le messager ?, demande Adrilla.

Un messager royal est parti hier pour l'île céleste de Haal afin d'y trouver du renfort. Mais le trajet jusque là-bas prend trois jours au bas mot. Et même si le souverain accepte de nous aider, le temps qu'il prépare son armée et arrive jusqu'ici il sera peut-être déjà trop tard.

- Alors, en attendant on continue, s'exclame Maître Klummla.

Nous soupirons mais nous remettons au travail. Notre professeur nous répète une nouvelle fois qu'il ne faut penser à rien. Elle ferme les yeux et reste silencieuses quelques secondes avant de se transformer en un magnifique serpent à sonnette.

- Je sais que cela parait tout bête, siffle-t-elle. Mais ne vous inquiétez pas, je suis sûre que vous y parviendrez.

Elle reprend sa forme habituelle et nous demande de reprendre l'exercice. Je soupire et ferme les yeux. Ne pensez à rien. Faire le vide dans son esprit. Ne pensez à rien. Je soupire une nouvelle fois. Plus facile à dire qu'à faire. J'y parviens très bien quand on me le demande pas, mais sous la commande, impossible de ne pas réfléchir.

- Silence ! Je vous entends penser. Je ne veux rien entendre.

En passant près de moi, Maître Klummla créer un petit courant d'air qui fait bouger mes cheveux. Ne pensez à rien. Faire le vide. Le noir. Le néant. Ne pensez à rien.

- C'est ça Sori ! C'est parfait !

- J'ai réussi !

- Maintenant maitrise le.

Elle est bien gentille de nous demander de ne penser à rien mais c'est compliqué dans un environnement comme celui-ci. Si nous étions chacun dans une pièce je suis certaine que la concentration serait plus importante. Et si je réessayais ce que j'avais fait au cours dernier ? Penser au loup. Je me souviens avoir senti quelque chose se passer au fond de mon ventre. Peut être que...

- Emeyrria je t'entends !

Je fais une grimace. Ne penser à rien. C'est tout ce qu'il faut que je fasse. Rien d'autre. Je ne dois pas réfléchir. Cesse de penser. Mais je n'y arrive pas ! Je sens l'énervement monter en moi. Il faut que je me calme. Et pour cela je vais faire ce que j'ai déjà essayé.

- Oh non Sori !

- Désolé Maître mais c'était trop dur...

- Ce n'est pas grave, recommence.

Un loup. Un animal si beau et libre. Il court si vite, à travers les bois, sans tomber, sans se cogner. Il court après une proie invisible qui se cache dans la brume.

- Emeyrria, je t'ai demandé d'arrêter de réfléchir !

Seule l'odeur de la proie le guide. Elle n'est pas loin, c'est sûr. Il ralentit la cadence. Il ne faut pas effrayer le gibier. Il s'arrête à la lisière d'une clairière. Là, un daim broute avec innocence l'herbe bien verte sous les rayons du soleil. Il est là, si calme, si paisible et en même temps si proche. Je salive. Je vois le sang battre dans sa jugulaire. J'entends son cœur tambouriner doucement dans la poitrine. Si près, si alléchant.

- Emeyrria, combien de fois je vais devoir te le répéter ?, s'impatiente Maître Klummla. Ce n'est pas si compliqué !

L'odeur de la proie. J'avance doucement, elle est si proche et bientôt son sang coulera à flot dans ma gueule.

- Bon ça suffit, Emeyrria !

J'avance encore un peu, il ne me voit pas. Je me replie sur mes pattes arrière et me prépare à bondir.

- Ouvre les yeux maintenant et écoute bien ce que je vais te dire.

Encore un peu. Là... Voilà, c'est parfait.

- Emeyrria ça suffit !

Maintenant ! J'ouvre grand les yeux. J'ai le soufflecourt. Maître Klummla est au sol, sous moi et me regarde, effrayée. J'entendsquelques cris à côté. Soudain, ma têteme crie et mes tympans sifflent. Je suis prise devertiges et tout devient flou autour de moi. Finalement, je m'écrouleinconsciente sur le sol.