Prisonnière de la poudreuse

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— Mais enfin puisque je vous dis que j'ai vu le bon modèle à peine quelques minutes plus tôt ! m'exclamai-je, les mains sur les hanches, les nerfs prêts à lâcher.

Le garagiste me regarda du haut de son mètre quatre-vingt, les bras croisés sur sa poitrine, question de me montrer l'ampleur de ses muscles et sûrement de me décourager à continuer ma rébellion, mais cela ne marcha pas sur moi.

Je n'étais pas aussi facilement intimidable, pas quand il s'agissait d'acheter du matériel automobile indispensable du moins...

— Écoutez mademoiselle, je ne sais pas quel modèle vous avez vu, mais il n'est pas compatible avec vos roues. Vous n'allez pas m'apprendre mon métier tout de même !

Je roulai des yeux, soupirai, me grattai avec énervement la nuque puis osai affronter une fois de plus le barbu :

— Bon, je ne sais pas ce que vous a raconté ou même promis ma grand-mère, mais sachez que j'ai besoin de ces chaînes pour repartir à Nantes ! Et si vous refusez de me les vendre, je serais dans l'obligation de prendre la route sans ces dernières et vous aurez peut-être ma mort sur votre conscience !

— Sans les chaînes, avec les chutes de neige que nous avons eues et allons encore avoir, vous ne pourrez pas repartir d'ici mademoiselle, me fit-il remarquer.

J'avais envie de me prendre la tête entre les mains et de hurler ma frustration. Mais au lieu de cela, je me contentai d'accorder un sourire courtois au garagiste et pris le chemin de la sortie. Sur celui-ci, un jeune apprenti me regarda, visiblement gêné par la situation. Peut-être que si j'insistais, il allait finir par me filer ce que je voulais ? Ou peut-être pas...

J'avais envie de téléphoner à Roman. J'avais envie d'entendre sa voix. Mais je savais qu'il était au boulot et me dire que j'allais bientôt perdre mon poste acheva de me faire déprimer.

Au bout de dix petites minutes de marche (le garage n'était pas vraiment à coté de la maison), je décidai de faire une pause dans un petit parc.

Désormais assise sur un vieux banc, chassant les bottes de neige à gros coups de pieds, je laissai mes yeux parcourir les lieux. La mare glacée à quelques mètres de moi était magnifique. Petite, cela avait été mon endroit préféré. Pas trop loin de la maison, petit et disposant d'une belle végétation, ce parc avait tout du coin parfait pour une enfant de huit ans.

Ici, j'avais aimé créer des scénarios et bien souvent les enfants de la boulangère étaient venus me tenir compagnie. Ils étaient plus âgés que moi, de deux ans au moins, mais cela ne nous avait pas empêché de nous amuser.

Le menton posé sur la paume de ma main, je soupirai et ma buée chavira soudainement sous mes yeux, tel un virevoltant. La nostalgie de mon enfance m'attrapa et je choisis de quitter les lieux pour éviter une chute encore plus spectaculaire dans la mélancolie.

Il ne me fallut pas longtemps pour me rendre compte que mes pieds étaient trempés. J'aurais dû prendre les bottes que maman m'avait conseillées ce matin avant de partir à son boulot au lieu de choisir mes vieilles chaussures. Apparemment, je n'apprenais jamais de mes erreurs... Alors que j'aurais dû réaliser que refuser d'écouter les conseils des autres pouvait parfois être négatif avec l'exemple des chaînes neige, j'avais continué à me butter et ce, même si au final ma mère avait raison : ses bottes m'auraient tenu plus au chaud que mes baskets !

Je tournai à la rue De La Montagne, passai devant le cottage des Pignard et mon cœur se serra. Contrairement à grand-mère, Albert s'était véritablement éteint, quelques mois plus tôt. D'après ce que j'avais entendu dire, il n'était plus vraiment apte à faire quoi que ce soit depuis plus de deux et son fils avait engagé du personnel pour s'occuper de lui car le vieil homme ne voulait pas quitter sa maison. En vérité, c'était au souvenir de sa femme décédée qu'il n'avait pas voulu dire adieu...

Noël chez les Carlier (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant