Tout ira mieux demain _ n.jin

15e mois. Novembre 2000

   Plus j'y repense et plus je me dis que cette soirée était vraiment la plus spéciale de toutes celles que l'on avait jamais faite. C'était une façon magique de passé de derniers vrais moments avec tous mes amis avant la fin. Bien sûr, je les reverrai avant le départ, mais ce ne sera pas pareil, ils ne soupçonneront pas mon absence au moment où l'avion ramènera Jin en Corée.

Je me suis au moins assuré qu'il rentre en classe affaire afin d'être en paix. Enfin en paix, c'est un bien grand mot. Mais j'essayerai du moins de lui rendre ce retour plus facile. Il a d'ailleurs des instructions quant aux conditions de ma disparition. J'aurai simplement eu un accident à Barcelone. Cette version resterait officielle jusqu'à ce que les lettres que je me suis appliqué à écrire soient délivrés aux quelques destinataires que j'avais sélectionnés : mes parents, ma sœur, et puis une pour chacun des gars, sans oublier SeokJin.

Ca a été la plus dure à écrire pour tout avouer. Je le savais pourtant, que je perdrai tous mes moyens devant le bout de papier vierge.

Quels mots utilisés ? Comment tourner les choses ? Comment s'excuser de le laisser seul avec peut-être ma disparition sur la conscience ? Après tout je le connais bien, si le voyage l'attrait c'est uniquement parce qu'il ne le voit pas comme étant notre dernier rendez-vous, mais plutôt comme une escapade entre amoureux. Il ne se dit pas que c'est la fin de moi, de nous, de tout. C'est pour ça que j'ai écrit. Pour ça qu'il m'a fallu encore un peu de courage et de volonté pour dire :

« Mon Amour,

Quand tu liras cette lettre, tu seras déjà de retour chez nous. Si tout se passe comme je l'avais prévu, le voisin est venu t'adresser mon message ce matin. Peut-être l'a-t-il glissé dans la boîte aux lettres ou sous la porte. Je lui ai dis que c'était une « surprise » et que je ne devrai pas être là quand il te la remettra. Que je t'attendrai autre part.

Tu sais, on ne peut pas réellement parler de mensonge n'est-ce pas ? Je ne mens pas quand je dis que je t'attends. Je t'attendrai autre part, là où l'on vivra éternellement jeunes et ensemble. Mais prends ton temps surtout, je ne suis pas pressé que tu passes de l'autre côté du fleuve. ....

Je ne peux que m'en vouloir un peu plus à chaque instant car chaque seconde qui passe me rapproche de la liberté alors qu'elle te rapproche du rideau final de sept ans de ta vie. J'espère avoir rendu toutes ces années inoubliables car pour moi, il est sûr qu'elles l'auraient été si la situation avait été inversée.

Je me sens un peu plus coupable aussi; je n'ai plus pleuré depuis le jour où on a décidé ensemble de la date de ma fin alors que les larmes ne t'ont plus quittées dès lors. J'ai mal de te voir comme ça.

C'est pour ça que tu dois être heureux, heureux sans moi mais avec le reste du monde à tes côtés. Je veillerai sur toi d'en haut, même si évidemment beaucoup moins d'accident n'arriveront à la maison maintenant que je ne serai plus là pour détruire tout ce qui m'entoure ! Pense à toutes ces économies en matériel de travaux ! Et moins de matériel égal plus de nourriture non ? Et oui mon amour, je sais bien que tu me trompes avec le menu du petit resto' sympa du centre de temps en temps ! Mais bon, je ne peux rien y faire ... A croire que tu la préférais à moi ! Enfin bref !

J'espère que je t'ai au moins fais esquisser un sourire. Même un tout petit.

Je te laisse maintenant en te demandant encore de te reconstruire une nouvelle vie. Déménage s'il le faut mais continue de te battre pour ce que tu veux et pour ce que tu vaux, comme tu sais si bien le faire.

Ton petit ami maladroit,

Je t'aime.

NamJoon. »

C'est pour ça qu'il m'a fallu un mois. Certains auraient pu me dire qu'un mois c'est long pour trouver ses mots, ce à quoi je leur aurais répondu qu'un mois c'était ce qu'il me restait, un mois a aussi été mon espérance de vie. Et si j'ai dû lui consacrer la fin de mon existence c'est sans regrets, sans remords et sans rancune.

Mais enfin, tout est fini et chaque enveloppe est cachetée. J'ai placée ces derniers mots à des endroits distincts, des endroits connus de moi seul pour le moment. Mais je pense qu'il leur semblera naturel après tout de retrouver mes adieux à ces endroits.