Vendredi 31 Octobre
Chers parents,
Je suis à 75% ! Joe a 10% de plus mais bon... On dirait pas mais il travaille beaucoup et sérieusement. Ça ne veut pas dire que moi non ! Je fais des efforts, j'ai appris comme je vous l'avais dit une leçon comme du théâtre, mais sous forme de monologue. En plein contrôle d'histoire, je n'ai pu m'empêcher de tirer de mon fourreau une épée imaginaire pour "me battre", c'est à dire l'agiter devant moi, combattant les hérétiques lors des croisades. Résultat : j'ai eu 90% à ce contrôle. Ça a été difficile de s'habituer aux notes en pourcentages mais c'est maintenant naturel pour moi. Je ne peux pas contre toujours pas m'empêcher de convertir en note sur vingt, par exemple 90% font 18/20 et 75% font 15/20. Vous vous rendez compte ? 15 de moyenne ! Ils ne me reconnaîtraient pas à Marie Curie ! Le cancre, rebelle, dernier de la classe avec 15 de moyenne !
Enfin voilà. Je connais à présent par cœur la scène 4 de l'acte I de Cyrano de Bergerac. Je sais que je répète à chaque fois le nom de la scène mais c'est dans l'espoir que vous alliez chercher le contenu, à la bibliothèque ou même sur internet. Je vous ferai une démonstration pendant les vacances de Noël. A ce propos, j'ai retrouvé mercredi un petit morceau de papier chiffonné, que j'ai jeté à la poubelle. Ce n'est pas que je n'ai plus envie de revenir, je ne suis juste plus autant pressé. J'ai retrouvé le petit calendrier que je m'étais dessiné avec le nombre de jours manquant avant mon retour à la maison.
Voilà voilà. Cela faisait deux ou trois semaines qu'on n'avait pas continué d'explorer le lycée pour notre plan mais on s'y est remis jeudi. La plupart des salles sont fermées, c'est une chance que nous ayons trouvé la salle de spectacle déverrouillée ! A part ça, il s'est passé quelque chose dans les couloirs. Nous marchions avec Joe, le peu de lumière filtrée par la crasse des vitres éclairait faiblement le couloir, on a entendu des petits bruits, comme des pas mais en plus réduits et plus rapides. On s'est arrêtés et on a écouté. Le silence régnait. Joe était devant moi, je ne pouvais pas voir l'expression de son visage. Il s'est remis à marcher alors je l'ai imité. De nouveaux sons se sont fait entendre. Je me suis à nouveau stoppé, mais pas Joe, alors j'ai repris ma marche, accélérant légèrement pour le rattraper. Après un léger frisson, je me suis rendu compte que j'avais froid. Et la chair de poule. On n'a plus rien entendu pendant une ou deux minutes. L'odeur de renfermé m'oppressait, j'avais hâte de sortir à l'air libre, et pourquoi pas sous la pluie, ça m'aurait fait un bien fou ! J'allais d'ailleurs le proposer à Joe mais il s'est arrêté brutalement. J'ai failli le bousculer mais j'ai réussi à me stopper. J'entendais sa respiration sifflante, flippante, c'était effrayant. Le bruit a repris, de plus en plus puissant, rapide et appuyé, comme des petits coups donnés sur un tuyau de plomberie. J'avais envie de faire demi-tour et de partir en courant, mais j'aurais passé pour un poltron. J'avais peur mais je ne pouvais pas l'assumer, j'en ai déjà du mal sur papier. J'avais la peau moite à force de transpirer. Joe s'est doucement retourné. Ses yeux brillaient. Son nez a "frémi", comme un animal. J'étais terrifié. Et puis il a éclaté de rire et il est redevenu normal. J'étais intérieurement soulagé mais j'ai ri avec lui pour n'en rien laisser paraître. On est reparti et cette fois le bout du couloir était proche et je n'ai plus entendu les bruits. Sur la demande de Joe, nous sommes allés rejoindre les autres dans le réfectoire jusqu'à la fin de la pause. Je reconnais que j'étais bien content de retrouver du monde et d'être au chaud, même s'il ne devait pas faire plus de 15°C.
Aujourd'hui, rien à signaler. Journée normale, enfin pas comme d'habitude mais nous avons bien sagement assisté aux cours et ne nous sommes pas promenés dans les couloirs le midi. J'ai l'impression que Joe veut se tenir à son rôle d'élève modèle. Personnellement, le programme m'allait, parfaitement, après ce qu'il s'était passé hier, je ne voulais plus partir en vadrouille pour le moment.
On devait aller en ville demain, mais Joe veut rester pour réviser la leçon de physique. Il n'y a pas de contrôle prévu la semaine prochaine et il avait tous les exercices faits en cours justes mais il prétend devoir la travailler encore. Du coup, pour ma part, je pense aller piquer un livre dans le rayon romans de la bibliothèque, du genre gros pavé qui m'occupera toute l'après-midi. Si je trouve quelque chose d'intéressant, évidemment.
Écrivez-moi !
Clovis
