Acte I - Scène I

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Rose et Benjamin

La scène s'ouvre sur un loft, le lit double trône près de la fenêtre, dans le fond, une table est installée dans le coin de la cuisine, avec cinq couverts. Un canapé et un fauteuil sont agencés de l'autre côté. Ici, une ravissante jeune femme apparaît, elle n'est vêtue que d'une chemise d'homme trop grande. Ses cheveux bruns sont en bataille, elle n'est pas maquillée. Elle recule vers la fenêtre ouverte de l'appartement, c'est le crépuscule, un couteau plaqué sur sa gorge.

Rose : N'avance plus ! Encore un pas et je te jure que je me tue !

Un homme élégant, torse nu, sort de la pénombre et s'arrête devant elle. Il est tatoué et couvert de cicatrices. Il s'assoit, dos à elle, sur le lit défait et s'allume une cigarette.

Benjamin : Tu permets tout de même que je fume ?

Rose prise au dépourvu : Qu'est-ce que ... Fais ce qui te chante ... Mais ne me touche pas !

Benjamin : Sincèrement, mon amour, j'ai eu mon compte pour ce soir. Tu es magnifique, mais tu m'épuises.

Rose énervée, appuie la lame sur sa gorge : Mais vas-tu enfin réagir comme quelqu'un de normal ? Je menace de me suicider sous tes yeux !

Benjamin ne la regarde pas : Je vois, je vois.

Rose : Ne veux-tu pas savoir pourquoi ?

Benjamin s'allonge sur le lit en fumant : Pourquoi ma chère et tendre désires-tu mettre un terme à tes jours heureux devant mes yeux innocents ?

Rose fond en larmes : Monstre. Tu le sais très bien !

Benjamin : Diable, non ! Qu'ai-je encore fait ?

Rose s'assoit sur le rebord de la fenêtre, sans lâcher son arme : Ton portable... J'ai vu... Tous les messages de cette femme, Anne.

Benjamin : Tu fouilles dans mon téléphone, mon ange ?

Rose furieuse : Cesse donc de me donner ces stupides surnoms ! Oui, j'ai fouillé dans ton téléphone. Tu disparais pendant des jours ! Tu rentres de plus en plus tard... Je voulais en être sûre...

Elle pleure. Benjamin continue de fumer.

Rose : N'as-tu rien à répondre pour ta défense ?!

Benjamin : Anne est mon éditrice.

Rose : Elle t'a envoyé des tas de messages, tous plus osés les uns que les autres !

Benjamin : Elle est follement amoureuse de moi.

Rose : Tu lui as répondu à chaque fois !

Benjamin : Anne est une très belle femme.

Rose : Mais comment ... Tu es odieux ! Qu'a-t-elle de plus que moi ?

Benjamin sourit en soufflant la fumée de sa cigarette : Rien. D'ailleurs, je n'ai pas couché avec elle. Je ne mélange jamais les affaires et le sexe... Enfin ... Sauf ... Dans certains cas.

Rose perdue : Quoi ?

Benjamin se redresse et la regarde : Je plaisante, mon amour !

Rose incrédule : Avec combien de femmes m'as-tu trompée ?

Benjamin moqueur : Je ne compte pas. Ce serait pervers.

Rose appuie la lame sur sa gorge, prête à se tuer : Je vais le faire !

Benjamin : Arrête, ma chérie. Cette plaisanterie a assez duré. Pose ce couteau. Jacob et Mia ne vont pas tarder à arriver.

Rose : Je ne plaisante pas ! Tu m'as trahie. Je croyais que tu m'aimais, que tu m'étais fidèle.

Benjamin exaspéré : Ma chérie, qu'espérais-tu ? Nous nous sommes rencontrés lors d'une soirée organisée par mon ex-copine. Et nous formions alors un couple très heureux. Comment as-tu pu croire après cela que tu aurais un traitement de faveur ?

Rose : Mais je croyais que nous étions heureux ensemble...

Benjamin : Mais nous sommes heureux ensemble, c'est bien pour ça que je reste. Les autres, elles ne sont que des passe-temps. Toi, tu es plus que ça.

Rose : Mais qu'est-ce que je suis pour toi, exactement ?!

Benjamin réfléchit : Une compagne, avec qui je me suis engagé dans une union libre, pour une durée indéterminée. Sans vouloir jouer les rabat-joie, il me semble que nous avons déterminé la nature de notre relation dès le départ.

Rose soupire : Les choses ont changé, Ben. Je pensais que tu l'avais ressenti aussi... Que tu aurais compris lorsque nous avons pris cet appartement ensemble... Cela me semblait évident.

Benjamin écrase sa cigarette : Je ne me suis jamais caché, Rose. Tu n'avais pas besoin de fouiller dans mon téléphone. Ni de te donner en spectacle. Il suffisait de me le dire. (Il se lève, s'approche d'elle et l'embrasse en caressant ses cheveux.) J'adore ton côté théâtral, mon amour.

Rose sous le charme, baisse son arme : Alors... Tu veux bien te lancer dans une relation exclusive avec moi ?

Benjamin lui chuchote : Absolument pas.

Rose repousse violemment Benjamin et remet son couteau sur sa gorge.

Les lumières s'éteignent.


Ne me Quitte pas - ThéâtreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant