IRE

REINA EST LÀ

L'unique après-midi où Reina est rentrée

Iris et Tristan sont avachis sur le canapé, en train de se rouler des pelles immondes tandis que je médite sur mon existence et les futurs oraux blancs d'allemand à venir. Maman a décidé de promener Nesquick ce matin. À peine sortie, on toque à la porte. Je rumine sur place. Pourquoi est-ce qu'elle n'utilise pas ses clefs ?

- Maman, t'as tes clefs quand même ? reproché-je fort, agacé, avant d'ouvrir.

J'ouvre la porte. Bouche bée, estomaqué, choqué. Tant d'adjectifs pour décrire ce que je ressens à l'instant où je la découvre derrière la porte. Rien ne s'est fait en ralenti ni en accéléré. La scène paraît normale au premier abord. Mais rien n'est normal et banal quand on a affaire à Reina Lyange.

- Reina.

Reina, Reina, Reina, Reina.

Qu'est-ce que tu fiches là ?

- Salut Isaac.

Sortie de sa bouche, mon prénom ne ressemble à rien. Sec, vide, sans fond. La mélancolie me rattrape subitement. La voir, la contempler, sentir cette proximité. Est-ce bien réel ?

Je croise son regard. Elle est comme elle nous a laissés, avec ses beaux yeux et ses taches de rousseur intrépides. Elle enlève ses mitaines et coupe court à notre contact visuel. Reina soupire puis sourit de loin à Tristan, debout désormais.

Celui-ci s'avance jusqu'à sa meilleure amie et la prend dans ses bras. Cette image réveille de mauvais souvenirs en moi et je rejoins Iris, statique et immobile sur le canapé.

- Tu penses qu'elle est de retour ? m'a soufflé Iris alors que mes yeux n'arrivent pas à se décrocher de cette vue insupportable.

Je ne réponds rien. Comment le savoir? Et puis, je ne sais pas si j'aimerais qu'elle soit de retour. Je ne sais pas si elle m'aime encore. Je ne sais même pas si je l'aime encore. Est-elle revenue pour moi ? Non, impossible, elle sait pertinemment que tout n'est plus pareil depuis la nuit où tout a semblé possible.

Les deux s'éclipsent dehors et je tente de me concentrer sur la télé.

Nous ne sommes rien l'un pour l'autre, souviens-toi Isaac, rien l'un pour l'autre. Vous vous seriez battus l'un pour l'autre si vous représentiez quelque chose depuis cette nuit-là.  

Alors, pourquoi est-ce que cela me fait si mal de me demander si je l'aime encore?