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Instinctivement, je lève un bras entre nous pour lui signifier de s'arrêter, ce qu'il fait dans la seconde. Il a perdu son hilarité et même son sourire. J'inspire à fond avant de lui reposer la question qui me trotte à l'esprit depuis un moment maintenant :

— Pourquoi ?

— Pourquoi... Quoi ?

Ma respiration est erratique. Je ne la maîtrise plus. J'ai la tête qui tourne et mon cœur va vraiment rendre l'âme. Il faut absolument que je me calme le plus rapidement possible si je ne veux pas passer le Réveillon à l'hôpital. Je prends quelques secondes pour tenter de retrouver un rythme normal, toujours mes yeux fixés sur Gaspar comme si j'avais peur qu'il disparaisse. Encore une fois. Je me redresse un peu et quand j'accepte enfin le fait que mon corps n'ira pas mieux tant que je serai si près de Gaspar, je me lance dans les demandes d'explications :

— Pourquoi tu boxes ? Pourquoi ces cadeaux ? Pourquoi toutes ces cachoteries ? Pourquoi le sapin ? Pourquoi... T'es là ?

— Ça fait beaucoup de questions.

— Ça fait beaucoup de temps que tu es parti, je réponds du tac au tac.

Il hausse les épaules ce qui attire mon regard sur son T-shirt blanc, aux manches courtes retroussées. Il lui va bien. Il a toujours été ainsi, il n'a besoin de rien pour être mis en valeur et il y a moi, ce grand truc qui ne se ressemble à rien à côté de lui. Je suis musclé, oui, mais trop maigre, donnant toujours l'impression aux gens que je n'ai pas mangé depuis des semaines. Ma tignasse noire et mes yeux à la teinte délavée sont loin de faire rêver.

— Ça fait beaucoup de temps qu'on s'aime, réplique-t-il finalement en jetant son casque plus loin derrière lui.

L'utilisation du présent me fait quelque chose, je l'admets.

— Ça fait beaucoup de temps qu'on souffre aussi, précisé-je malgré moi.

Le silence s'installe entre nous pendant lequel mon corps semble se réhabituer à sa présence mais mon regard ne perd pas une seule miette de ce qui lui est offert. Il fait un pas vers moi, croise les bras comme le fait souvent son père et me dit avec défi :

— Et pourquoi pas ?

Il fait encore un pas. J'essaie de reculer, de m'éloigner parce que je sens que je suis attiré par lui comme un aimant mais je suis déjà bloqué par les cordes du ring.

— Pourquoi je ne pourrais pas boxer ? Pourquoi je ne pourrais pas faire un sapin chez nous ? Ou t'offrir des cadeaux ? Hein ? Dis-moi pourquoi ?

— Tu me demandes ? Sérieusement ? m'étonné-je.

— Ouais...

— Ce n'est plus chez toi. Tu es parti, crié-je. Tu as fait tes valises et tu t'es barré sans te retourner.

— Et pourquoi je l'ai fait ? tente-t-il de me rappeler.

— Quand ça a commencé nous deux, tu savais. Tu savais parfaitement comment j'étais, comment j'allais agir. Tu le savais ! Et pourtant, tu as accepté. Puis tu en as juste eu marre, c'est ça ? Marre de moi.

Je secoue la tête. Je ne veux pas avoir cette conversation. On l'a déjà eu l'année dernière. Je sais déjà tout. Il en a eu marre de moi parce que je ne nous assumais pas, je ne croyais pas en nous – ou plutôt en moi - et pourtant, je me crois obligé d'ajouter :

— Tu m'as abandonné ici.

Mon ton me fait pitié. Je déglutis et baisse le regard vers le tapis qui recouvrent le ring.

— Je ne t'ai pas abandonné, déclare-t-il, sûr de lui, ce qui me fait légèrement ricaner. La preuve, je suis là, aujourd'hui.

Je relève les yeux vers lui parce qu'il m'a trop manqué cette année pour que je puisse me passer de sa vue aujourd'hui alors que j'en ai la possibilité.

Second ChanceWhere stories live. Discover now