XVII ○ Il a vraiment l'air d'être une bonne personne.

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– Bon dieu, mais comment faites-vous pour gagner à chaque fois ?

Claire se mit à rire devant l'air dépité de son collègue Émile. Attablés tous les deux avec Ansel et Candice, deux des patients, ils jouaient calmement aux cartes. Ansel avait comme toujours les meilleurs mains et remportaient chaque tour sans aucun problème.

Un cri de douleur résonna soudainement dans la pièce, réduisant au silence la vingtaine de personnes qui s'y trouvait. Comme les autres, Claire se tourna vers l'endroit d'où provenait ce déchirant hurlement.

Louis n'était plus assis sur le rebord de la fenêtre ; comme s'il en était tombé, il était allongé sur le sol. Ses yeux étaient vides, son regard perdu et hagard. Il tremblait de tous ses membres, terrorisé.

Claire accourut vers lui et s'agenouilla à ses côtés.

– Louis ? Louis, es-tu là ? Est ce que tu m'entends ? Louis ?

Aucune réponse, si ce n'est que ses tremblements semblèrent s'apaiser un peu au son de sa voix.

– Viens Louis, relève-toi, dit-elle en tirant sur son bras maigre. Tu as besoin de repos. On va remonter dans ta chambre.

Il était si fin, si chétif qu'elle parvint dans mal à le mettre debout. Cependant, il tenait difficilement sur ses jambes et menaçait à tout moment de s'écrouler de nouveau de tout son poids sur le carrelage.

– Émile, peux-tu venir m'aider à le remonter ? demanda Claire à son collègue tout en soutenant son patient tant bien que mal.

Tout le monde dans la pièce les regardait. En y pensant, Claire pensa qu'ils devaient en effet former un bien étrange tableau ; l'aide-soignante toute menue essayant de soutenir un patient immense – par rapport à elle, du moins – au regard mort et à la démarche mal assurée d'ivrogne.

Émile Pallières vint l'aider sans un mot, et en silence, en le soutenant chacun de leur côté, ils remontèrent Louis dans sa chambre à l'étage supérieur. Ce dernier s'effondra lourdement sur son lit et se recroquevilla immédiatement en position fœtale. Il tremblait toujours.

- ○ -

Très vite, une grande partie du personnel de l'hôpital avait été au courant de l' « incident » de cette matinée. Louis avait presque immédiatement été emmené par des neurologues passer des examens dans les étages inférieurs. Claire mettait son manque de réactivité après la crise sur le compte de sa maladie, mais les psychiatres semblaient un peu plus inquiets.

D'ailleurs, était-ce vraiment une crise ? Une crise de quoi exactement ? Que s'était-il passé dans sa tête au moment précis où il s'était mis à hurler ? Claire ne pourrait malheureusement jamais le savoir.

Lorsqu'il s'était mis à crier, Louis lui avait fait penser à un jeune enfant se réveillant après un cauchemar. Les traits de son visage s'étaient comme imprimés dans l'esprit de l'infirmière ; un petit enfant fragile, faible, terrifié.

Son envie de l'aider s'en était encore accrue. Coûte que coûte, elle ferait tout son possible pour le protéger. Le protéger de sa maladie, des voix qui devaient sûrement hanter son esprit en permanence, de ses démons, de lui-même.

Claire décida de retourner en salle commune pour l'après-midi. Les médecins qui l'avaient pris en charge s'occuperaient d'apporter à Louis son déjeuner, et il valait mieux le laisser seul pour le reste de la journée. Elle repasserait simplement le voir avant la fin de son service, pour s'assurer de son état.

Elle passa la porte de la salle commune avec un peu d'appréhension. Comme elle s'y attendait, tous les regards se tournèrent vers elle. Cependant, cela ne dura qu'une seconde, et très vite patients comme infirmiers retournèrent vaquer à leurs occupations respectives.

AlogieWhere stories live. Discover now