Ma banlieue, ma prison (BxB)

XX

Plusieurs jours que je m’évertue à ne pas arriver en retard. Cela reste extrêmement difficile pour moi qui ai pris l’habitude de ne jamais faire de journée complète. Pourtant, je me force, comme je peux pour tenir ma parole, pour ne pas décevoir Patel et pour ne pas me retrouver collé en lieu et place de ma séance de théâtre. Nous sommes mercredi et je suis en mathématiques, cela relève du miracle. L’autre miracle est que lors du dernier devoir sur table, je n’ai pas rendu de copie blanche. Alors je n’ai pas fait grand chose, évidemment, mon amour pour les théorèmes et formules ne s’est pas révélé à moi de manière spontanée. Ni efficace, d’ailleurs. Le professeur rend les controles et un joli deux sur vingt orne ma copie double. Je crois que je n’y arriverai jamais.

Un soupir un peu trop bruyant exaspère mon professeur et je me retrouve exclu du cours, le coeur battant. Patel ne va pas me rater. Je ne suis pas fier quand je débarque dans son bureau. Et le regard interloqué qu’il me lance à ce moment-là ne m'aide pas à me sentir bien.

- Que fais-tu, là, Nassim?

- J’ai été exclu, M’sieur.

- Tiens donc! Juste au moment où j’allais te convoquer pour te dire que j’étais content. Tu j’avais pas manqué de la semaine. Je suis déçu, bonhomme.

- Moi aussi…

Patel me fixe de son regard interrogateur et je me sens mal à l’aise. J’ai l’impression de ne pas avoir tenu ma parole. Et je n’aime pas. Depuis peu, certes. Mais je n’aime pas. Ce type a su comment m’apprivoiser. Et je ressens comme une honte de l’avoir déçu. En plus dd m’être déçu à titre personnel.

- Je suis désolé, monsieur.

- Qu’est ce que tu as fait?

- J’ai soufflé fort.

- Explique.

- Monsieur Durven a rendu les contrôles. Et j’étais dégouté de ma note.

- Ta note?

- J’ai eu 2.

Je baisse trop vite les yeux tant j’ai du mal à contenir ma déception qui perle au coin de mes yeux. Patel semble s’en apercevoir.

- Et tu avais bossé?

- Oui, monsieur. Je suis trop nase.

- Dis pas ça, bonhomme. On ne se refait pas un niveau en une semaine. Ça va venir. Tu devrais aller travailler un peu avec les assistants pédagogiques en salle de travail. Pour revoir la méthode. Et à force de travail, ça va venir.

- Je sais pas, monsieur.

- Ne désespère pas. Tes efforts finiront par payer. Allez, assieds toi, sors du travail. Pour ton professeur, retourne le voir à la récré ou à la pause et excuse toi. Explique lui ce qui s’est passé. Continue tes efforts. Je suis content que notre discussion d’il y a quelques jours t’ait servi d’electrochoc.

- Merci monsieur.

- Pas de soucis, Nassim. Continue comme ca. On refait le point avant les vacances. Allez, mets-toi au boulot maintenant. Et pense à récupérer la correction que tu viens de manquer.

- D’accord, monsieur.

- Ah et au fait, je passerai cet après-midi au réfectoire. J’espère que tu connais ta tirade.

- Par coeur monsieur.

- Je demande à voir.

Un sourire orne mon visage et un soupçon d'orgueil me gonfle la poitrine.

- Vous verrez, monsieur.

J’aime bien ce mec. Sous ses airs de policier en jeans et Lacoste, je sens bien qu’il a du coeur. Et qu’il me porte de l’intérêt. Et cela me fait du bien.