Les chiens (n.jin)

La dernière fois

C'est aujourd'hui que je retourne revoir Seok Jin avec impatience. Cependant, je me contiens avec la plus grande rigueur. Mes collègues de bureau me posent trop de questions sur mes soirées et suspectent une éventuelle petite copine je crois bien. Cela me fait une belle jambe. Si cela les tient occupés cependant, je ne dis pas non à ce qu'ils s'imaginent tant et tant de bêtises sur ma personne.

Enfin. Je ressors du métro après une long trajet. Retrouver les vieilles rues mal entretenues de ce quartier de banlieue ne m'avait pas manqué. C'est en voyant le nombre de détritus jonchant le bitume que je m'en rends compte. Je commence à marcher en direction du bordel. Je suis alors si content que j'en viens à cacher mon sourire se formant tout seul sur mon visage. Le col de ma chemise ne m'étant d'aucune utilité pour cela, je baisse simplement la tête et fixe mes pieds.

Maladroit, j'heurte quelqu'un dans le dos. C'est un peu inquiet et encore plus embarrassé que je relève donc le visage pour tomber nez à nez avec le garçon que je sais être un client de Seok Jin. Ces cheveux gris là, je les reconnais sans faute et je les déteste. Oui, ce jeune homme. 

Il me dévisage, lui aussi quelque peu hébété par la situation. Je pense qu'il ne me reconnait pas, pour peu qu'il m'ait aperçu lorsque je l'ai quant à moi vu quitter la maison close la dernière fois. J'avale ma salive lorsqu'il me tend sa main en signe d'excuse. C'est pourtant moi qui lui suis rentré dedans je crois... Néanmoins je ne refuse pas une telle marque de pacifisme et serre cette main un peu fort malgré moi. Ce garçon aurait beau être une vraie crème, le fait qu'il ait des rapports de ce genre avec Seok Jin me rend malade au poing que je n'aurais aucun mal à le lui faire comprendre. Un jour... 

- Je crois que tu vas au même endroit que moi. Fais donc le trajet avec moi. Histoire de te dédommager de ta maladresse, je te demande de me tenir simplement compagnie.

Alors il sait que je vais aussi dans ce genre d'endroit ? Il m'y a déjà vu ? Est-ce qu'il sait que nous partageons le même prostitué ? Impossible. Je me risque à lui demander pourquoi il suppose que j'ai ce genre d'habitude. Autant continuer à la jouer discrète, je n'y perds rien. 

- Qu'est-ce qui te fait croire que je suis comme ça... ?

- Un homme en costard cravate dans un lieu aussi reculé et mort... C'est évident.

Nous continuons le reste de route à faire jusqu'au bordel, et je prends le temps de m'exprimer de nouveau. Sa présence ne m'est certainement pas des plus agréables mais je ne veux pas qu'il s'en doute. S'il ne sait pas que je fréquente Seok Jin, j'ai l'impression d'avoir une longueur d'avance sur lui. Alors que je sais que c'est stupide. Après tout, même s'il est jeune et n'a rien avoir avec le milieu des affaires compte tenu de son accoutrement de branleur, il ne peut avoir le degré d'importance que moi j'ai dans la vie de Seok Jin. Il y a véritablement quelque chose d'unique entre Seok Jin et moi, et cette nouvelle rencontre dissipera mes derniers doutes à ce sujet, j'en suis convaincu.

- Toi tu n'as pas du tout l'apparence d'un type ayant ce genre de penchant, soufflé-je un peu dans ma barbe.

- Je sais. Mais je ne viens voir qu'une seule et même personne dans cette maison close.

Mon sang ne fait qu'un tour. Comment ce gamin des rues... Il ne fait aucun doute à présent que la relation qu'entretient Seok Jin et lui est privilégiée. Ou peut-être pas. Je mettrais les choses au clair avec lui dans l'heure. Le bordel n'est plus très loin et sans m'en rendre compte, je marche beaucoup plus vite. Les néons de la devanture sulfureuse de cette maison de plaisir m'apparaissent dès que je tourne au coin de la rue. Je maltraite ma lèvre inférieure, obnubilé par l'idée que ce garçon puisse être un genre de favori pour Seok Jin. Cela me répugne d'avantage quand je songe à la dernière fois où je suis venu ici. Seok Jin venait d'avoir un rapport avec lui. Ca me dégoutte encore. Seok Jin ne pourra être que mien désormais. Je vais l'acheter. Je vais le faire mien pour toujours. Il est à moi.