Rose

3 0 0
                                    

Du haut de mes 16 ans...
Je me rebelle contre la société...
Contre cette politique nulle dans tous les sens...
Adolescente indignée face à tant d'injustice...
Je veux boire un verre de haine et d'amour pour lutter contre cette déchéance...
Je veux courir les villes et les villages pour repérer des endroits magiques que seules les personnes qui ont ouvert les yeux peuvent voir...
Je veux voler aux riches pour répondre aux besoins des plus pauvres...
Je veux hurler liberté, égalité et fraternité pour signifier mon appartenance à la résistance...
Je veux...
Je veux...
Oui, je veux changer le monde!
Mais pour l'instant...
Pour eux...
Je ne suis qu'une fille qui créait des histoires alors que je n'aime pas en inventer...
Je ne suis qu'une étrangère qui a osé s'incruster dans leurs vies, alors qu'ils m'ont eux-mêmes accueilli les  bras grands ouverts...
Je suis la fille trop possessive et trop aimante qui étouffe inconsciemment l'être aimé...
Je suis une pestiférée qui aime les conflits, alors que je déteste en créer...
Oui...
Pour eux, je suis juste une mauvaise fille avec un caractère fort et qui aime aider les autres...
Cela me fait mal, mais je sais qu'après, je ne les verrai plus...
Non plus jamais...
Qu'ils aillent se faire voir...
J'en ai marre de me justifier, alors pourquoi continuer à se battre contre des gens qui n'essayent même pas de m'écouter?
Est-ce que c'est franc de leur part de me pointer du doigt, dès qu'il y a un problème?
Non, je ne pense pas...
Ils n'ont aucun droit de continuer à me faire porter le chapeau...
Maintenant...
Je suis libre de mes choix, de ma vie...  libre de choisir les gens que je veux fréquenter...
Ils peuvent casser du sucre sur mon dos, mais maintenant je ferai barrière...
Oui, je vais me délecter de leurs colères pour en faire mon bonheur...
Ils m'ont brisée, et je n'ai d'autre choix que de faire barrage...
Comme on dit, "il faut de tout pour faire un monde"...
Décidément, y'a quelque chose de pourrie au royaume familial.

    Rose, qui venait de finir d'écrire, s'écarta de son bureau, prit une longue inspiration et se dirigea vers le salon. Elle n'ose pas allumer  la lumière, un des habitants de la maison pourrait s'en rendre compte et venir lui parler. Or, ça, elle ne pourrait pas  le supporter.
    Le salon est en bien piteux état. Les assiettes sales sont posées en tas sur la grande table en bois. La nappe est à moitié repliée. Les scènes de cette horrible soirée se rejouent dans la tête de Rose. Elle n'a qu'à fermer les yeux et elle entend les insultes de Maxime, les commentaires assassins  de Jules, elle voit le poing de Romain, les grands gestes d'Emma.
    La petite table était jonchée  de gâteaux apéritif en tout genre, épars. A la vue de ce spectacle affreux et pittoresque à la fois, un poème de Baudelaire, la Charogne, lui revint en mémoire... .
   
Rose était la seule à ne pas avoir pleuré. Pourtant elle était la plus sensible. Lorsque ses frères et soeur allaient faire du bateau ou au ski, elle préférait rester à la maison ou au châlet pour écrire.
Elle entend du bruit, quelqu'un vient. Elle se cache derrière le canapé, on ne pourrait pas la voir. Tiens... C'est Romain,  que fait-il? ? Le jeune homme se dirige vers la cuisine, et saisit  la bouteille de Bourbon. Rose n'en revient  pas. Dégoutée, déçue, elle retourne dans sa chambre, à pas lent. La porte à claquer, Emma est rentrée, elle est la seule que la grande soeur à prévenue de son départ.
Rose ferme doucement la porte de sa chambre. Elle éteint la lumière et se couche. Elle prend son portable, sort les écouteurs et écoute les trois hommes discuter entre eux. Elle cède, son oreiller est mouillé.
Georges Brassens était le chanteur préféré de sa mère, elle conserve précieusement un autographe de Léo Ferré que son père lui avait donné. Quant à Brel, sa voix faisait partie de la famille.
Un grésillement vient perturber les discussions intéressantes des trois génies. Elle ôte ses écouteurs. C'est Cabu qui gratte à la porte. Le chien est un habitué et ce "gratt gratt" n'est qu'une formalité car le labrador sait depuis longtemps  ouvrir la porte. Il n'y a jamais été éduqué et tout le monde a toujours été  ébahi par ce tour dès le premier jour.
Elle sèche ses larmes et invite le chien à la rejoindre sur le lit. Il l'aidera sans doute à surmonter tout ça par sa chaleur rassurante de brave bête aimante.

You've reached the end of published parts.

⏰ Last updated: Mar 04, 2018 ⏰

Add this story to your Library to get notified about new parts!

Animalia Where stories live. Discover now