PATRICIA / LE PERVERS

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Je laisse tourner le moteur de la voiture, descends et sonne à l'interphone. J'attends en sautant d'un pied sur l'autre. Des grésillements me répondent.

- Oui, c'est qui ?

- Olivia, ouvre-moi s'il te plaît !

- Heu... je ne sais pas comment on fait.

Il commence à pleuvoir et je suis gelée, et stressée aussi.

- Olivia, va demander à Eliott !

Je n'ai pas fini ma phrase que le portail s'ouvre. C'est un vrai bunker, cette maison. Il doit en avoir des trucs à cacher dans sa cave. Chez moi, mon portail est grand ouvert, il n'y a même plus de serrure.

Je me précipite dans l'habitacle chaud de ma voiture et me dirige vers la maison. Je dois reconnaitre qu'il est beau son bunker. Si j'étais restée plus longtemps, je me serais amusée à découvrir son grand jardin. Je suis sûre que la plage ne doit pas être bien loin en plus ! Pour venir ici, il faut longer le littoral à flanc de montagne.

Mais pas le temps, je dois récupérer ma petite troupe et regagner l'intérieur des terres et notre modeste demeure, plus petite, mais tellement plus chaleureuse que celle qui s'affiche devant moi.

La porte s'ouvre subitement et un Mathias, tout excité, me saute dessus.

- Tatie, on a fait la cuisine pour toi avec Alezandre, et tous mes devoirs aussi.

Mathias, dans les bras, j'entre et une délicieuse odeur me titille les narines et l'estomac.

- Cela sent bon.

Il opine de la tête, d'un air très sérieux.

- On a fait des paupettes de dinde.

Je le regarde, pas très sûre de sa prononciation.

- Des paupiettes de dinde ?

- Oui, c'est çà, des paupiettes de dinde et du riz.

Je le repose et pars à la recherche du reste du groupe. Mathias me file entre les jambes et crie à tue-tête.

- À table, tatie est là !

Je pénètre à la suite de Mathias dans le salon où tout le monde est réuni, tranquillement installé sur des canapés. Apparemment, c'est le moment de l'apéritif.

Eliott, le premier, se lève.

- Bonjour, On vous attendait. Vous voulez l'apéro ?

Heu....non. Moi, j'avais prévu de partir sur-le-champ, et je ne sais plus quoi faire maintenant devant toutes ces bouilles très contentes d'elles. Même cette andouillette d'Alexandre a le sourire aux lèvres.

ALEXANDRE ! Mais que fait-il ici au rez-de-chaussée ?

Et c'est à cet instant précis que je remarque les béquilles. Il m'a bien roulé dans la farine hier soir. La rage me prend au cœur et j'ai envie de lui sauter dessus pour l'étrangler.

Je le désigne d'un doigt accusateur.

- Vous !je vais vous couper en rondelles, qu'est ce que vous fichez ici au lieu d'être dans votre lit ?

Et là, il a fait ce qu'il ne fallait surtout pas faire. Il m'a souri triomphalement, sous entendant, j'ai gagné, tu as perdu.

Rassemblant toute mon énergie négative au niveau de mes poings serrés, je me précipite vers lui, bien décidée à le passer à la moulinette Moulinex ou plus précisément, la moulinette Patricia.

Tous se retrouvent debout, devant moi, prêts à m'arrêter. Marie s'est jetée en travers de mon chemin, les yeux paniqués.

- Tatie, tu veux quoi comme apéro, cela te fera du bien après cette dure matinée.

Alice s'y est mise et se colle contre sa sœur, pour m'empêcher de voir le menteur de service.

- Tatie, on a fait à manger. Tu verras, c'est super bon. Et j'ai fait tous mes devoirs aussi. Ce n'est pas super tout ça ?

Je me penche pour apercevoir ce trou du lavabo crasseux et dégoutant, mais elles se penchent, elles aussi.

Je me redresse, les fusille du regard. Puis, un verre rempli d'une substance blanche agrémentée d'une rondelle de citron apparait devant mes yeux.

- Un martini comme vous les aimez Patricia. Il faut vraiment vous détendre, vous savez.Je vous sens à cran.

Ma tête ne fait qu'un demi-tour pour fixer ce petit fils de patate douce. J'ai rajouté douce à patate, parce que j'aime bien Eliott et il n'est pas tout à fait responsable des mensonges de sa tartiflette de père.

- Depuis quand a-t-il ces béquilles ?

Eliott rougit jusqu'à la racine des cheveux et lance des regards désespérés à Marie qui fuit mon regard.

Mais ce n'est ni Eliott, ni Marie d'ailleurs qui me répondent, mais le principal intéressé, avec, dans la voix, un ton satisfait.

- Deux jours. Mais, je ne suis descendu que ce matin avec l'aide de vos adorables neveux. D'ailleurs, je dois vous féliciter sur la bonne éducation de vos enfants. Ils sont adorables, vraiment !

Je ne le vois toujours pas dissimulé par le mur féminin devant moi. Je fusille Alice et Marie du regard et comme Moïse face à la mer, Alexandre m'apparait dans toute sa splendeur, après l'éloignement de mes deux nièces qui ne sont plus mes préférées d'ailleurs. Assis confortablement dans un fauteuil, un verre de je ne sais pas quoi à la main, jean noir, polo blanc et veste en laine noire avec cet air de triomphe sur sa face de rat poisseux.

Tétanisée, je ne sais plus comment réagir. Il est impressionnant, ce type finalement ! Et puis la rage me reprend, c'est quoi tous ces compliments ? Je plisse les yeux et scrute son regard. Mais point de moquerie, juste la vérité.

Je prends mon verre d'un geste rageur et en bois une gorgée. L'alcool me détend instantanément.

- Puisque vous pouvez vous débrouiller tout seul, on s'en va. Les enfants, allez rassembler vos affaires, on retourne à la maison !

Puis pour clôturer la discussion, je finis mon verre d'une traite. Et bien sûr, je ne pouvais pas finir en panache, non ! Il a fallu que j'avale de travers et manque m'étouffer. Pendant que j'agonisais, j'ai entendu des cris, des pleurs et toute ma marmaille autour de moi, qui remuait dans tous les sens. Puis, en me calmant, je me suis aperçue que tout ce remue-ménage n'était pas pour leur tante à l'article de la mort, non ! Tout le monde me réprimandait parce que je voulais partir. Ils avaient fait à manger, ils voulaient goûter leurs plats. Puis le comble de l'horreur, mon petit Mathias pleurait dans les bras du chef orang-outan.

Pas question qu'il me vole mes bébés !

Je m'avance d'un pas décidé vers lui quand sa voix de stentor m'arrête net.

- Patricia, soyez gentille, les enfants ont passé leur matinée à vous cuisiner un bon petit plat. Restez manger avec nous, je vous en prie, cela me ferait tellement plaisir !

Sa tirade dégouline de mièvrerie, j'en ai partout sur le corps et elle me colle à la peau. Je lui renvoie une grimace pour lui faire comprendre que son petit jeu du type "super sympa" influence les enfants, mais surtout pas sur moi.

- Ta...tie...si.....te....plait.....ze....veux.....rester.....ze...veux.....manzer....le .....gros....gâteau.

Mince de remince ! Mathias pleure à chaudes larmes et me supplie du regard. Je bascule la tête en arrière, désespérée par la tournure que prennent les événements. Puis, en me redressant, six paires d'yeux me fixent désespérées dont une paire sort triomphalement. C'est décidé, je vais me faire ce type ! La guerre totale est déclarée.

J'AIME PAS LES AVOCATSWhere stories live. Discover now