Felis 1 : la fuite

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Il faut que je me tire d'ici. Discrètement. Ne pas montrer la panique qui monte. Qui monte ? Qui m'a déjà envahi des pieds à la tête, oui ! Cet imbécile de rouquin vient de m'avouer qu'il sait tout, évidemment j'ai nié, je ne vais quand même pas leur donner quoi que ce soit pour m'inculper, mais j'étais certain que ça arriverait, qu'on m'arrêterait... Pourquoi on l'aurait averti de tout, à part pour me faire avouer ?

Et le pire, c'est qu'il était sans doute sincère.

Je ne dois pas y penser. J'ai fait ce que je devais faire : couper court, vite et bien. Oui, j'ai dû utiliser sa sensibilité, et bien il s'en remettra. J'espère. Stupide 137, ne va pas me faire un grand suicide romantique maintenant ! Et si tu es assez débile pour le faire, ne compte pas sur moi pour venir pleurer sur ta tombe. Moi, je dois sauver ma peau, point final.

Je me glisse entre les invités, sourit, esquive, en tentant de garder l'air naturel. De tous les cotés on m'apostrophe, évidemment, je suis connu comme le loup blanc ici, Nian le joli dealer, avec sa tenue chinoise si folklorique, et sa tresse si reconnaissable, il va falloir que je me coupe les cheveux, et comment je vais... Respire, Felis, respire doucement et sourit. Mon cœur bat si fort que je n'entends presque plus la musique qui fait pourtant trembler les murs. Je vais vomir. Ou m'évanouir. Je suis sans aucun doute suivi. Inutile d'essayer de savoir par qui. Les Forces ont des yeux et des oreilles partout. L'important, c'est de les semer, et pour ça, j'ai un plan de sortie. Enfin j'espère.

Jamais je n'ai été aussi soulagé de passer une porte.

Dehors, le couloir mort des grands immeubles de la ville. Pas la moindre cachette, ni pour moi, ni pour mes suiveurs. Des invités vont et viennent, évidemment. C'est la fête. Je sourit encore. Au moins je respire mieux que tout à l'heure. Nonchalamment, j'avance jusqu'au bout du couloir, et là, entre les ascenseurs et les escaliers, j'ouvre le plus naturellement du monde la trappe du système de ventilation et me faufile dedans. Oui, mes suiveurs sauront qu'ils ont été repérés, et il y a très peu de chance qu'ils me suivent encore s'ils ne veulent pas griller leur couverture. Et même s'ils le font, je les sèmerai sans aucun problème dans le labyrinthe de ces tuyaux. Première étape de fuite achevée, je peux respirer.

Maintenant, pendant que je rampe dans les conduits, il faut que je décide où je vais. Retourner à l'orphelinat est évidemment hors de question, et de toutes manières je n'y ai rien laissé d'important. Le plus sûr, le plus logique, serait d'atteindre ma cachette où je pourrais récupérer mon argent, des vêtements et des faux papiers, puis de disparaitre dans la nature.

Sauf que le Soleil Noir n'est pas le genre d'organisation qu'on plante là parce qu'on s'est fait repérer. Je ne crois pas qu'ils accordent beaucoup d'importance à ma personne. En revanche, ma disparition ne va pas les satisfaire du tout. Il faut que je les prévienne sans les compromettre, même si ça me met en danger... Être en danger d'être arrêté vaut toujours mieux que d'être tué. Évidemment, s'il était là Tonton me jurerait tous ses grands dieux que l'organisation n'est pas comme ça, qu'ils ne sont que des défenseurs du peuple et qu'au contraire ils me protégeront. Pendant un instant je me penche sur l'idée. Face à la puissance des Forces, seul le Soleil Noir aurait de quoi me tirer d'affaire...

Oui mais non. Je ne suis qu'un tout petit poisson, un indicateur qui ne fait même pas vraiment parti de l'organisation, jamais ils ne se mouilleront pour me sauver. Et l'UFIT ne fera pas d'efforts démesurés pour me retrouver une fois que mon principal intérêt, à savoir mon lien avec leur ennemi préféré, aura disparu. Autant couper net les ponts. Je préviens l'organisation et je disparais. Où, comment, pour faire quoi ensuite, je n'en ai encore aucune idée. Mais quoi que je doive faire pour ça, je survivrai.

L'éternelle batailleWhere stories live. Discover now