Chapitre 2

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Je suis réveillé par ma princesse qui vient me faire un câlin. On peut imaginer pire réveil. Louis, le cadet, est moins tactile. Il se contente de me réclamer son petit déjeuner. D'ordinaire, je suis levé avant eux et ils sont toujours ravis de trouver sur la table de la salle à manger leur chocolat chaud et des tartines grillées. Je regarde l'heure : dix heures ! Je n'ai pas dû entendre sonner mon réveil ! C'est une catastrophe. Je suis loin d'avoir terminé ma dernière pièce et je dois la livrer avant la fin de la journée. Je rêve d'un monde où je pourrais enfin profiter entièrement d'un week-end.

Merde, merde, merde.

J'embrasse ma fille et saute du lit. J'ai cette capacité plutôt rare d'être d'attaque aussitôt réveillé. Jamais de procrastination matinale avec moi – pas le temps. Le petit déjeuner est prêt en cinq minutes et je préviens les gosses que je vais être occupé aujourd'hui. Zoé veut venir m'aider, Louis n'en a rien à faire : il avait prévu de jouer au petit train que je lui ai offert à son anniversaire, deux semaines plus tôt.

— Papa, tu me feras une autre gare ?

Je lève les yeux au ciel. Jamais contents, ces gamins !

— Tu en as déjà une, mon chéri.

— Oui, mais j'en veux deux. Pour les voyages des gens.

Mine de rien, ça a du sens. Je me suis basé sur ce qui se fait en grande surface mais, en effet, dans tous les prospectus que j'ai pu trouver, il n'y avait qu'une seule gare. Pour un voyage en train, c'est complètement idiot.

— Bon, OK, je t'en ferai une autre, mais pas aujourd'hui Louis, j'ai beaucoup de travail, d'accord ?

— Hier alors !

Je ne peux m'empêcher de sourire. Ses notions du temps sont encore un peu confuses, il n'a que cinq ans.

— Oui, d'accord, hier.

Je comprends mon erreur à la tête que fait alors Zoé.

— Ça se peut pas hier, hier c'était avant.

— Si ! Papa il a dit qu'il fera une gare hier !

— Pfff, tu sais pas ce que ça veut dire hier, tu comprends rien.

— C'est papa qui l'a dit !

Sa voix monte d'un coup dans les aigus. Je soupire. Effectivement, c'est moi qui l'ai dit, mais j'avais compris qu'il parlait de demain ; j'avais surtout oublié que, si Louis n'a aucune notion du temps, Zoé, elle, ne maîtrise ni la subtilité, ni la diplomatie. Quand elle peut taquiner son frère, elle n'hésite pas.

— Zoé, s'il te plaît !

— Quoi ? C'est vrai, il comprend rien !

— Et toi tu as quatre ans de plus que lui, alors arrête, s'il te plaît.

— C'est lui qui arrête !

C'est dans ces moments-là que toutes mes années de méditation et de culture zen m'aident profondément. Sauf que, j'oubliais : en fait, je n'ai jamais appris tout ça.

— STOP !

Elle s'arrête net avant de bouder en fixant son bol. Elle a en effet atteint l'âge où elle est capable de repérer quand mon humeur ne me permet pas de gérer leurs disputes. Elle s'arrête avant que le ton ne monte davantage, je l'en remercie d'un signe de tête qu'elle ne remarque même pas.

Je respire profondément et prends le temps de la prendre par les épaules pour lui expliquer que ce n'est pas grave, qu'elle en sait plus que son petit frère mais que ce n'est pas la peine de le lui faire remarquer en permanence. Elle baisse la tête et ne dit plus rien, tandis que Louis continue à râler.

Sur le bout des doigts - Sous contrat d'édition BMROù les histoires vivent. Découvrez maintenant