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Max

J'ai été pris d'une fureur indescriptible !!!

Dans une rage à peine contenue, j'ai ouvert tous les courriers, j'ai tout lu en diagonale et ce que j'ai vu m'a complètement tétanisé.

Toute une vie dont j'ai été exclu. Des résultats d'analyses, des échographies floues, des copies de bulletins de naissance, des photos d'anniversaire, des copies de livret scolaire, des bulletins, des diplômes et des dizaines de photos de classe. Je suis comme un con à scruter chaque gosse en me demandant lequel est le mien. Pathétique, oui c'est le bon mot ! Et une dernière photo, un jeune homme fier, en uniforme. Il est magnifique, normal il me ressemble trait pour trait !

Encore une fois, j'ai la sensation d'être un gros naze. Le gros naze a son paroxysme. Le champion olympique du looser toutes disciplines confondues c'est moi !

Un verre, il me faut absolument un verre. Voire deux, peut-être même la bouteille, oui c'est ça qu'il me faut, de l'oubli en liquide.

La bouteille de whisky à portée de main, assis à même le sol au milieu de tous ces papiers et photos, je prends conscience du néant total qu'est ma vie. Et j'entrevois le moment précis où tout a basculé.

Dès juin 1995, mon père m'a lancé l'ultimatum, je rejoins enfin l'entreprise familiale et épouse la fille de son associé ou il me coupe les vivres ! Est-ce que j'étais prêt à me gérer seul ? Évidemment non !

C'est exactement à ce moment-là, celui où je lui ai donné mon accord que mon destin a basculé.

Un putain de Pacte avec le Diable !

Par la suite, j'ai voulu croire que je pouvais tout contrôler, mon père, la garce. J'ai pensé feinter tout le monde, mais il n'y a que moi qui y ai cru. Et quand j'ai revu Kat cet été-là, si fraîche, si jolie, belle comme un fruit mûr, il fallait que je la croque. Il fallait qu'elle soit à moi. Je n'ai pas réussi à résister. Mon erreur aura été de lui faire croire qu'un bel avenir pouvait nous arriver. Et mon Dieu, j'y ai cru moi aussi, à cette ferme, à cette balançoire, à ces enfants, à nos voyages, à notre vie idéalisée. Quand je pense à tout ce qu'elle a dû endurer seule mon cœur se broie.

Mais qu'est-ce qu'ils m'ont fait ??? La sale garce, mon père et qui d'autre encore ?

Mais bon c'est trop facile d'accuser les autres, le seul fautif c'est moi. Moi et moi seul.

* *

*

Kat

Ces trois semaines sont passées à la vitesse de l'éclair. Je suis épuisée. Entre l'opération, mes différents traitements, la cession de mon entreprise à mes associées Rebecca et Nina, le temps s'est écoulé très vite. Petite à l'école j'ai appris que le temps est une unité de mesure fixe ; qu'une minute est composée de soixante secondes, qu'une heure est composée de soixante minutes, etc... et pourtant certaines périodes passent plus vite que d'autres. Quel crève-cœur pour moi !

J'ai même dû déléguer l'organisation de la fête pour le retour de Gabriel. Pareil, je pensais pouvoir aller le chercher à l'aéroport à Paris, profiter d'une belle soirée tous les deux et rentrer ensemble, mais non, comme un fait exprès, il a fallu que ma dernière prise de sang soit plus mauvaise que la précédente, et me voilà donc, comme une gamine punie sur le quai de la gare de Metz avec Alex à mes côtés, à attendre que le train de Gabriel entre en gare.

Je suis sûre qu'il nous prépare un truc. Il m'a demandé au moins quatre fois si Alex m'accompagnait. Je pense que cette traîtresse de Julie est partie à Paris pour rejoindre Gabriel. J'espère qu'Alex ne va pas trop mal réagir en voyant sa fille et Gabriel ensemble.

-Eh !

Alex claque des doigts devant mon visage.

- Quoi ? Oui je sais, je suis plutôt sèche, mais l'impatience me gagne.

- Tu sais que tu vas devoir lui dire. Et assez vite, hein. Tu ne vas pas faire illusion bien longtemps...

Je suis encore un peu plus déçue, mais je le sais. J'ai une sale tête, j'ai la nausée depuis dix jours, je m'alimente de boissons hyper protéinées, j'ai des cernes énormes aux yeux. Je pue la maladie par tous les pores. Je sais qu'il a raison. Aucune tâche ne m'a semblé plus difficile. J'espère qu'il comprendra mon choix. Ces minutes me semblent interminables, enfin le train entre en gare. J'aime cette ambiance si spéciale qui règne dans les halls d'arrivée avec tous ces sourires, ces éclats de voix, ces rires, et parfois des embrassades passionnées pour les plus chanceux. Le train est à quai, je guette sa silhouette athlétique, les beaux cheveux auburn de Julie. J'ai une drôle de sensation, le cœur s'emballe, l'estomac au bord des lèvres. Non, pas maintenant ! Immédiatement, je sais. C'est ce parfum 1881 de Cerruti, mais pas que ! Il y a aussi ces odeurs de sel, de mer, lui quoi. Je m'accroche au bras d'Alex. Ne pas flancher, être forte ! Et soudain, j'ai la chair de poule, un souffle dans ma nuque, une voix.

-Kit Kat, ma friandise préférée !

Tout se brouille autour de moi. Mon sac tombe au sol, Alex se penche pour le ramasser. Je reste agrippée à mon portable et devant les visages ahuris de tous je me tourne et sors brusquement de la gare. J'entends qu'on m'appelle, dans ma main le téléphone vibre, sonne. Je monte dans un taxi sans un regard en arrière. Alors que je retrouve peu à peu mes moyens, je me dis que j'ai dû rêver. Est-ce que les hallucinations peuvent être des effets secondaires de la chimio ? La sonnerie dédiée à Gab retentit et me sort un peu du brouillard dans lequel je m'enlise, je décroche.

-Mam's, je suis désolé. Je croyais pas que tu le prendrais comme ça !

-Comment ça ? C'est toi qui m'as fait ce sale tour ?

-En quelques sorte. Il m'a contacté il y a dix jours et on a passé les trois derniers jours à Paris ensemble avec Julie. C'était super, mam's ?

-Mmm... Super, c'est super !

-T'es où ? Tu rentres ?

-Est-ce que je rentre, non, je ne crois pas. Mais allez tous à la maison, profitez bien de la fête puisque tout est tellement super.

Je raccroche. Je suis vraiment en colère, triste, déçue. 

Oui surtout déçue ! Il faut que je trouve un coin où me planquer pour réfléchir, panser mes plaies.        

Sommer Love ( en contrat avec Butterfly Editions)Where stories live. Discover now