Chapitre 2 - Deuxième partie (1/2)

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Pour ma deuxième vraie journée sur place, Jahmir me laisse faire la grasse matinée ; j'ai du mal à me remettre du décalage horaire, la fatigue s'accumule rapidement. Je traîne donc au lit, et profite de la température douce à l'intérieur de la maison en bauge. Dehors, le soleil tape dur : mon corps lutte pour encaisser le contraste de température entre la France et mon nouvel environnement.

L'après-midi, j'ai l'honneur de rencontrer les différents chefs d'équipe de la mission ainsi que certains des archéologues. Je sors enfin du cocon français qui m'entoure depuis mon arrivée, mets à l'épreuve mon anglais un peu rouillé. Heureusement, une interprète m'assiste et me donne des coups de pouce dès que besoin. Elle me dépasse d'au moins une tête, mais son sourire chaleureux rend moins intimidante sa carrure hors normes. Au milieu de tous ces hommes, elle détonne. Si la multi-nationalité de la mission garantit une population cosmopolite, il n'en reste pas moins que les femmes y sont rares, plus encore dans les strates supérieures de la hiérarchie. J'apprécie sa présence, elle me met à l'aise, m'aide à surmonter l'anxiété qui me serre les tripes devant autant de figures d'importance.

Mon anglais approximatif a au moins le mérite de servir d'excuse à ma maladresse ; je ne sais pas comment aborder chacun, quelles sont les normes d'usage ni la hiérarchie précise parmi tous ces gens. Entre la pratique d'une langue étrangère, le monde et le stress de faire un faux-pas, je suis éreinté lorsque je retourne au village français.

Une fois rentré, je m'empresse de rejoindre le salon chaleureux de Jahmir. Je m'y détends, bien enfoncé dans l'un de ses fauteuils moelleux lorsqu'il me rejoint, surexcité, pour me faire part du programme de la soirée : il souhaite m'emmener voir la crypte ! Les archéologues qui y travaillent lui ont donné l'autorisation d'en disposer après leur journée. C'est là-bas que se cache la fresque, unique raison de ma venue. Il paraît que le spectacle vaut le détour, surtout aux dernières lueurs du jour.

Fatigué mais poussé par la curiosité et l'enthousiasme contagieux de mon hôte, je me laisse convaincre facilement. Nous convenons de partir après un solide dîner pour reprendre des forces, lorsque la lumière commencera à baisser,.

Lorsque nous nous mettons en route, je m'attends à retrouver le même babillage érudit que la veille. C'est pourtant un silence extatique qui nous suit pendant notre marche vers la crypte.

Nous franchissons d'abord le village français, ses petites maisons d'argile et ses rues labyrinthiques, puis les ruines de Nippur. Nous traversons le dédale des hauts murs de la Cité Sacrée quand surgit face à nous la « Colline aux Tablettes ». Elle paraît veiller sur ses consœurs. Elle a traversé le temps, intacte, et les trésors qu'elle recèle lui confèrent une prestance singulière. Nous continuons notre cheminement jusqu'à apercevoir enfin la butte excentrée qui renferme tous mes espoirs.

Extérieurement, elle ne paie pas de mine. Juste un monticule de sable et de terre aux parois grossières dont la bouche béante me semble n'être qu'un trou noir dans l'obscurité vespérale.

Je dois baisser la tête pour y entrer. Quand je franchis le seuil, une sensation de froid s'abat sur moi ; l'épaisseur des murs isole très bien le lieu de la chaleur. L'odeur poussiéreuse du sable imprègne mes narines, l'atmosphère me déclenche un frisson : j'ai l'impression de pénétrer un royaume souterrain qui vivrait dans l'ombre depuis des millénaires, une dimension parallèle, une porte vers la Terre Inférieure de la mythologie sumérienne. La butte évidée forme une caverne dont les voûtes sont renforcées de blocs de roches gravées. Il s'en dégage une sensation de grandeur sacrée qui me donne envie de m'agenouiller. Une immense fresque s'étale sur les murs de la crypte, bien plus volumineuse que ce à quoi je m'étais préparé. J'y distingue d'abord un disque couvert de masses informes, et quelques figures humaines qui grimacent.

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