Chapitre 22 -Deux sœurs-

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Un peu de friture sur la ligne.

-« Léna ? Léna, tu me reçois ?... »

Je ferme les yeux. Ça vient de s'ajuster. Le son est limpide.

-« Oui, Alia, c'est parfait. Filo a encore fait du bon boulot ! » 

Un silence, que je traduis en un acquiescement d'admiration de la part de la lapine.

-« Héhé, tu m'étonnes, pas pour rien que c'est mon meilleur pote !... »  

La voix d'un certain rongeur nerveux vient de retentir à forte fréquence, me cramant le tympan.

-« On sait, Sacha, tu l'exploites en fait. Faux-cul. »

Un grondement sourd nous intime rapidement le silence. Je me retiens de rire.

-« Fermez-la, bande d'abrutis ! Préparez-vous à appliquer le plan. C'est bon, pas d'trous de mémoire, connards de bleus ? »

Il n'est pas très doué avec ce genre d'accessoire, on l'entend difficilement. Il a dû mal le placer.

-« Bah, maintenant que tu le dis, Eli... »

Les autres ricanent sans raison. On est tous un peu excités et nerveux, à vrai dire. On explose pour un rien.

-« Ta gueule, chérie, j'veux pas le savoir. »

Je souris. Qu'est-ce que je l'adore, ce type... Je m'étire.

-« Ok... Prête à mourir. »

-« C'est bien, c'est la bonne mentalité. »

J'ai rajusté une dernière fois mon oreillette transformiste dans mon oreille de chat. Filo nous les avait donné juste avant que nous nous séparions en deux équipes distinctes. Ces merveilles à la pointe de la technologies, fabriquées "à la va-vite", selon les dire de leur inventeur, étaient constituées d'une espèce de gélatine caoutchouteuse qui englobaient l'accessoire principale et adoptait instantanément la forme de l'oreille de leur utilisateur, grâce à sa texture malléable. Sa matière, douce et moelleuse sans être molle, était très agréable, et on l'en oubliait presque. L'engin était cependant assez froid, ce qui pouvait être un peu dérangeant, car il ne se réchauffait pas au contact du corps. Mais j'étais trop admirative pour m'en plaindre. Et puis, grâce à ce gadget, nous pourrions nous séparer sans problème, ce qui faisait aussi parti du plan. Sa portée était de plus de 500 mètres, et nous ne nous séparerions sans doute jamais autant.

Quoi qu'il en fut, je devais avant tout me concentrer. Nous venions de pénétrer l'enceinte extérieure de la base Polymorphe, c'est-à-dire que nous avions emprunté une faille dans la paroi rocheuse de la montagne qui entourait le bâtiment secret, et connue d'Eli seul. Shay et les siens, connectés entre eux par une fréquence radio différente à la nôtre, nous avaient rapidement dépassés afin de nous ouvrir la voie en nous débarrassant des premiers gardes. Personnellement, je cheminais encore dans le long tunnel de pierre ou un humain ordinaire devait ramper pour se faufiler à l'intérieur, et je n'avais pas vu la queue d'un ennemi. J'étais espacée de quelques mètres d'Alia et Sacha, tous deux derrière moi, et ni eux ni moi n'avions de difficulté particulière pour avancer grâce à nos petites Formes Associées, alors qu'Eli, bien plus loin devant, évoluait laborieusement en rampant à moitié du fait de sa grande taille de canidé massif.

-« Ok les mômes. On arrive. C'est parti. » Gronda la voix de basse de ce dernier au creux de nos oreilles.

J'ai légèrement tourné la tête par-dessus mon épaule, à l'écoute des deux autres. Sacha et Alia opinèrent. La suite du plan n'était pas simple. Sacha devait s'engouffrer dans les canalisations pour les ouvrir de l'intérieur et nous laisser libre passage, à Alia et moi. Notre rôle se jouait dans l'infiltration, quitte à nous séparer, tous trois connaissant la disposition des cellules où étaient emprisonnés les Atamorphes. Eli, quant à lui, se chargeait de littéralement créer la merde dans une violente diversion où la plupart des Polymorphes seraient concentrés sur lui. En théorie, nous avions donc le champ libre. En théorie. En fait, tout notre plan tenait en théorie. Mais nous ne connaissions même pas réellement le chemin que nous aurions à fouler, ni comment il se présenterait, ni les obstacles qui pourraient s'y présenter... Sans compter que si nous savions approximativement où se situaient la section de détention Atamorphe, nous ignorions en revanche où étaient gardés les Mythamorphes, et donc Klaus, que Tenshi lui-même m'avait demandé de sauver. J'ai soupiré, les oreilles mobiles. Pas évident, tout ça. Mais nous n'avions plus le temps de réfléchir. Je me suis rectifiée en observant l'air calme et déterminé de mes deux compagnons rongeurs. Je n'avais plus le temps de réfléchir.

Atamorphe Tome 1 -La Patte de Velours-Where stories live. Discover now