Jour 2 (2)

18 0 0
                                    


   11h57.

   Je dois faire preuve d'une discrétion totale.

   Fusil sanglé dans le dos, j'ouvre la fenêtre de ma chambre et passe la tête au dehors pour scruter mes bungalows voisins. Misslune doit être en train de s'habiller dans le sien, mais elle connaît ma nature ; les autres sont silencieux, et personne ne se promène de ce côté-ci. J'enjambe alors la fenêtre et cours m'abriter derrière l'arbre le plus proche. De là, il n'y a toujours personne en vue... Je suis libre de m'enfoncer dans la forêt sans être aperçue.

   L'inconvénient, c'est que je suis à l'opposé du bungalow de Tom, et je ne peux pas traverser la rue en étant armée. Misslune et, si possible, Cyril, se chargeront des mobile-home en eux-même, mais je dois absolument chercher des indices dans la terre. Je commence dès l'arrière de ma maisonnette avant de m'inquiéter pour l'habitat de Tom : si ce sont des animaux, nous le verrons dès la lisière.

   Je prends mon fusil à la main, au cas où un animal (ou autre chose) surgirait, et m'éloigne un peu des maisons. Les bois sont denses – quand un être quelconque s'approche de notre village, les branches sont forcément cassées au passage. Pourtant, en observant autour de moi avec attention, les arbres sont intactes. Les buissons n'ont pas été touchés, les brindilles sont en un seul morceau. Je m'accroupis à quelques endroits et scrute le sol dans les moindres détails, je palpe la terre entre mes doigts, vérifie tous les recoins sur toute la longueur est du village... Rien. Je contourne le village en passant par le sud, coupe la route, dissimulée par la colline, et atteins la lisière ouest. Je fais exactement ce que j'ai effectué de l'autre côté, je cherche, je hume, je tâte, rien. Ce que le chantier a épargné a également été déserté depuis un moment, à l'exception de quelques lapins et d'un renard.

   Je fais le chemin inverse et retrouve ma chambre. Cette fois, je n'y entre pas, je me contente de glisser le fusil sous mon lit et de retourner dans la ruelle. Les gens ont dû s'enfermer chez eux pour déprimer, parce que je ne croise personne. Le village est plongé dans un silence désolant.

-MAURICE !

   Nora apparaît à l'autre bout de la rue. Ses jambes de mannequin la portent littéralement jusque-moi, où elle se plie en deux. Entre Immo, Momo et Maurice, elle me sert une sacrée diversité de surnoms depuis hier !

-Il faut que tu viennes, halète-t-elle. Misslune vient de m'envoyer te chercher, ça tourne mal !

   Oh oh. Elle repart en courant, alors je la suis du mieux que je peux. Distancée, je peine à la garder en vue, mais le village est petit et je la rejoins dans la seconde ruelle. Les autres sont une nouvelle fois regroupés devant le bungalow de Tom.

   Oh oh.

   Arrivée sur place, les événements commencent bien : tout le monde me hurle après et un bras est plaqué contre ma poitrine pour me pousser en arrière. Le gars métisse de ce matin.

-Ne va pas plus loin, tu vas tout effacer, m'arrête-t-il. Déjà que les passants en ont supprimé une grande partie...

-Ça va, pas la peine de me hurler dessus...

   Je baisse la tête et serre les lèvres. Je ne vois pas tout de suite à quoi le garçon fait référence, aussi je me vexe très fort à cause des reproches que je me prends dans la figure, puis quelque chose attire mon attention. Je dois m'accroupir pour comprendre ce dont il s'agit : des traces, exactement ce que j'avais demandé à trouver. Elles ont été grandement balayées par les personnes qui ont marché dessus, mais il y a encore quelques indices. Ce qui ressemble à une patte de... Une patte de quelque chose d'énormes, une patte que je n'arrive pas à reconnaître. Je lève brusquement les yeux, choquée, et tombe sur Misslune et Cyril, qui m'observent au devant du groupe.

Au Clair du JeuWhere stories live. Discover now