La Gardienne Suprême et ses Apprentis

Chapitre 2

Elle ne savait pas comment, mais elle sentait que quelque chose allait changer sous peu. Tout allait changer.

Dame Egdelwonk prit place à sa table de travail comme elle le faisait tous les jours. Elle ouvrit un épais livre ancien qui semblait avoir plusieurs siècles. Elle passa ses mains au-dessus des pages jaunies par le temps. Aussitôt, une lumière blanche et éclatante émana des feuillets usés et elle se trouva en même temps à différents endroits de l'empire. Douze pour être précis. Face à elle se trouvaient désormais douze élèves venant de douze régions différentes. Chacun d'entre eux avait l'impression de suivre leur cours seul mais, leur professeure, elle, les voyait tous. Dès qu'ils furent tous installés, leur préceptrice commença la leçon. Celle du jour portait sur les différentes régions du Royaume Perdu. Elle leur enseigna les différentes cultures, les paysages, le commerce, la faune et la flore. Elle compara les coutumes des pays du nord et celles des pays du sud. La région d'Irmin était entièrement composée d'immenses étendues de glace bordée par une chaîne de glaciers d'un bleu translucide. Comme cette région connaissait constamment des températures négatives, les populations qui vivaient là-bas, avaient pour tradition de laisser reposer leurs morts dans la glace en creusant de larges trous dans celle-ci. Contrairement à cela, dans le pays de Naïa, les défunts étaient incinérés et leurs cendres étaient répandues dans la Mer de Selene où ils rejoignaient leurs ancêtres. Elle leur expliqua aussi que dans la région de Magena, c'étaient les femmes qui choisissaient leur mari et siégeaient en conseil pour prendre les décisions concernant les villages et leurs habitants. De temps en temps, elle voyait un élève pincer les lèvres en signe de scepticisme vis à vis de ce qu'on leur avait toujours répété mais tous se taisaient et écoutaient. Elle avait soigneusement choisi ses douze élèves et leur avait expliqué qu'en leur enseignant ce qu'elle savait, elle risquait sa vie et que leurs propres vies étaient en danger. Tous avaient choisi la voix de la connaissance et ce, depuis de nombreuses années. Ils se cultivaient le matin et allaient travailler avec leurs parents l'après-midi, puis la semaine suivante, ils inversaient. Leur système fonctionnait à merveille même s'ils étaient obligés de changer leurs habitudes régulièrement pour être sûr de ne pas se faire attraper par les émissaires du château. Il était midi et demi lorsque Dame Egdelwonk, que ses élèves surnommaient affectueusement Dame E. en raison de tous les mystères qui l'entouraient, entendit toquer à sa porte. Elle se tendit brusquement avant de vérifier si elle avait bien dissimulé tout ce qui pourrait l'incriminer au cas où ses invités impromptus se relevaient faire partie de l'Obscurité. Une fois devant sa porte, elle inspira profondément avant d'ouvrir le battant un sourire aux lèvres.

- Bonjour messieurs, déclara-t-elle d'une voix vive. Que puis-je faire pour vous ?

Un homme tout vêtu de noir mit pied à terre et confia les rênes de son cheval à celui qui l'accompagnait. Un Chevalier Noir. Il s'approcha de Dame E. La professeure n'eut aucun mal à comprendre qu'il était le chef et le responsable de cette visite à son domicile, ce qui ne le rendait que plus menaçant à ses yeux. Son regard hautain détailla la femme des pieds à la tête avant qu'il ne daigne lui adresser la parole :

- Vous êtes bien Dame Egdelwonk.

Ce n'était pas une question mais la concernée acquiesça pour tenter de garder un embryon de contrôle sur les évènements qui s'annonçaient indubitablement mal.

- Au nom du roi du Royaume Perdu, vous êtes en état d'arrestation. Veuillez nous suivre.