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Après une semaine de cours tout aussi monotone que les précédentes, quelques résultats de partiels et de TD viennent bousculer nos vies d'étudiants.

Rien de bien légendaire me concernant : un 8 en droit civil, un 10,5 pour ma dissertation contre la suppression du Premier ministre et un 10 en droit social.

En revanche, Alexandra, dont la plus mauvaise note est un 15, tente de ne pas trop exposer sa joie et sa réussite. J'apprécie son geste et m'efforce en retour de ne pas trop tirer la gueule pour le reste de la journée. Je dois mal m'y prendre, car elle me propose de diner chez elle après les cours pour me changer les idées. Et comme d'habitude, ma mère choisit les rares soirées où je suis occupée pour m'appeler.

Son instinct de maman repère bien vite le dépit et le manque d'enthousiasme dans ma voix, et je me trouve obligée de l'informer de mes résultats médiocres.

Bien que déçue, elle me rassure avec d'hypothétiques bonnes notes à venir. De mon côté, je me console avec l'idée de voir Charlie ce week-end.

À la sortie du métro, samedi après-midi, le vent souffle si fort qu'il me transperce comme de petites aiguilles de glace. Les espaces verts de la place Carnot sont encore recouverts de la neige tombée ces derniers jours et qui ne fondra pas de sitôt.

J'arrive près du kebab, au niveau de l'immeuble de Charlie, quand la porte d'entrée en bois massif s'ouvre pour laisser surgir Anne-Sophie. Dans sa frénésie, elle ne me remarque pas et manque de me percuter avant de s'arrêter net devant moi.

Son regard froid et dur s'adoucit lorsqu'elle me reconnait, et tout signe de colère s'évapore. Ses yeux sont tout rouges et bouffis.

Il ne doit s'écouler que quelques secondes, mais j'ai l'impression que nous nous dévisageons une éternité avant qu'elle ne me contourne et ne file vers la place.

Je l'observe s'éloigner, avec son sac à main en cuir rouge pendu à son bras. Exactement le même que celui de la fille venue pleurer à la porte de Charlie, la semaine dernière.

J'essaie de rester calme, de ne pas surcharger mon esprit avec des conclusions tirées hâtivement, sans savoir. Mais voir cette fille sortir d'ici, aussi furieuse que bouleversée, ne m'aide pas. Surtout quand je réalise que mon copain m'a menti sur l'identité de la « chieuse » censée le harceler, depuis qu'il l'aurait rencontrée à une soirée. Il aurait pu me dire qu'il s'agissait d'Anne-Sophie, la trop jolie blonde qui s'est blottie contre lui dans un bus et qui le dévore des yeux d'une manière que je ne m'autoriserais même pas. Mais s'il ne l'a pas fait, c'est qu'il doit avoir ses raisons. Et ce sont ces raisons qui commencent à m'angoisser.

Sans parler du fait qu'il ne me répond pas, alors que je sonne à son interphone pour la troisième fois.

Aujourd'hui est l'un des jours les plus froids de la semaine, mais la température de mon corps ne cesse d'augmenter au même rythme que les battements de mon cœur, au fur et à mesure que l'attente s'éternise.

Après cinq minutes passées à poireauter en bas de chez lui, je comprends que Charlie fait le mort. Et à partir de ce moment-là, il m'est impossible de ne pas me faire de films.

De retour au métro, je passe ma carte d'abonnement contre la borne et les portiques s'ouvrent.

L'esprit toujours confus, il me faut un certain temps pour repérer Anne-Sophie, à l'autre bout du quai, en compagnie de Lydia.

Aucune des deux filles ne parle. La blonde fixe juste les rails de manière pensive, et la métisse pianote sur son portable.

Faute de courage, ma détresse me pousse à m'approcher d'elles. Je compte le nombre de pas nécessaires tandis que mes mains moites se resserrent sur les bretelles de mon sac à dos.

Douce aigreurWhere stories live. Discover now