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Je ne sais pas à quoi je m'attendais après avoir passé les meilleures vacances de ma courte vie. Sûrement à tout, sauf au silence radio de Charlie.

Les premiers jours, je me suis contentée d'envoyer un message de temps à autre, sans trop insister. Aucune réponse ne m'est parvenue.

Après le premier week-end sans nouvelles, j'ai multiplié mon nombre de textos quotidiens par trois. Après le deuxième week-end sans nouvelles, j'ai commencé à l'appeler, une, deux... six, sept fois. Par jour. Parfois un peu plus, parfois un peu moins.

Ces dernières semaines ont été les pires de ma courte vie. Plus le temps s'écoule, plus la possibilité que Charlie n'ait pas l'intention de me revoir me terrifie. Pourtant, je pensais que passer à l'acte avec lui ne pourrait qu'améliorer notre relation, nous rapprocher.

Alors un soir où l'angoisse me fait vomir mon dernier repas, je me déracine de mon lit, m'habille et quitte ma chambre. Ma première sortie depuis six jours. Je saute dans le métro de la ligne D puis descends en ville pour prendre la ligne A.

Arrivée sur la place de la gare, je me dirige vers le kebab en bas de l'immeuble de Charlie.

Je sonne à « Szrenski » sur l'interphone, deux fois, sans réponse. Je soupire, hésite, puis finis par m'assoir sur la marche pour attendre.

J'attends, alors que je ne sais même pas à quelle heure Charlie rentrera chez lui. S'il en a l'intention. Ça ne m'étonnerait pas qu'il ait une soirée de prévue ou autre... Je me fixe donc un maximum de deux heures d'attente.

Pour patienter, j'ouvre mon navigateur Internet pour aller sur un site d'articles en ligne. J'en choisis un au hasard et compte le nombre de mots. Cela fait, je passe au suivant, et ainsi de suite.

Les 23 heures approchent. Je m'apprête à partir quand j'aperçois enfin la silhouette de Charlie au loin en train de traverser la place de la gare.

Il ne me remarque qu'au dernier moment, lorsqu'il lève le nez de son portable.

— Putain, qu'est-ce que tu fous ici ? sursaute-t-il.

— Ben, je viens te voir...

— Et ça fait longtemps que t'attends comme ça ?

— Non...

À son regard perplexe, je comprends que ma réponse ne l'a pas convaincu.

— Bref. Faut pas me faire des trucs comme ça, mon petit nénuphar. Ça me fait peur.

— Ben, tu fais le mort... Depuis qu'on est rentrés de la neige...

Il sourit.

— Ah, oui... Désolé, j'ai des problèmes de réseau avec mon portable. Un enfer. Je reçois plus rien et je peux plus rien envoyer. Ça marche une fois sur vingt.

— C'est vrai ?

— Oui. D'ailleurs, j'allais passer te voir, ce week-end.

— C'est vrai ?

Encore un sourire.

— Oui, mais je pensais pas que tu flippais au point de venir camper en bas de chez moi en pleine nuit.

Je hausse les épaules. J'ai désormais l'étiquette « psychopathe » collée sur le front, à côté des huit cents autres.

Je m'écarte pour laisser Charlie insérer ses clés dans la serrure. La porte d'entrée s'ouvre. Il se retourne vers moi quand je manifeste l'intention de le suivre.

— Faut rentrer maintenant, Poupouille.

— Je peux pas monter ?

— Je suis claqué, je ne rêve que d'une chose : dormir.

Douce aigreurDonde viven las historias. Descúbrelo ahora