Partie 4

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                    Jeudi 27 décembre

John était rentré très tard, cette nuit-là. Lisbeth l'attendait. Elle lui avait encore fait une scène. Une de plus. 

Il n'en pouvait plus de cette situation.

Il n'en pouvait plus...


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Il se souvenait l'avoir aperçue devant la porte du bureau. Les mains sur les hanches. Avec cette lueur méchante dans le regard.

Elle le dévisageait, les sourcils froncés. Reportant tour à tour son regard de sa mine défaite aux débris de verre jonchant le sol.

- Vous êtes encore là?! Et comment avez-vous réussi à entrer? Mon Dieu, son cadre! C'était sa chose la plus précieuse...


Je me suis avancé, sans un mot. La bousculant au passage.

- ça ne se passera pas comme ça. Je vais en avertir la direction. 

Elle brandissait son balai dans ma direction.

Mais déjà, j'étais loin.



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                   Mardi 05 mars


Je ne me risquais plus à arpenter les couloirs du premier. C'était devenu trop risqué. Si Gwandha lui avait tout raconté, j'étais grillé. Heureusement, elle ignorait mon nom.

Après une courte accalmie, les démons me reprirent. Sa présence me manquait. Deux mois déjà, sans nouvelles. 

Je retournais au premier. La boule au ventre. Prendre l'ascenseur, plutôt que l'escalier de service. Côtoyer de nouvelles têtes me ferait du bien. 


Il y avait beaucoup de monde, lorsque je pénétrais dans l'ascenseur. Essentiellement des cols blancs et des secrétaires légèrement vêtues malgré la saison hivernale.

La vue de ces dernières éveilla en moi mon instinct de prédateur. Je me collais à une belle blonde en tailleur moulant et chandail de laine mohair. Elle tenait précieusement un classeur contre son opulente poitrine et ne sembla nullement offusquée de sentir mon sexe contre sa cuisse. Bien au contraire, il me sembla que c'était elle qui, à présent, se trémoussait sans vergogne sur mon entre-jambe. A moins que ce ne soit la promiscuité du lieu. Ou les secousses à chaque arrêt...

Toujours est-il, que j'étais aux anges. Mon ascenseur descendant et moi montant au septième ciel. 


Jusqu'à ce que je détecte SA présence. Quelque part, au fond de cette immense cage. D'abord son parfum, celui de la salle de réunion. Puis sa chevelure noire, légèrement bouclée. Enfin, ces yeux, qui me scrutaient. Qui faisaient leur oeuvre. Qui m'hypnotisaient, m'obligeant à abandonner ma proie pour me rapprocher de leurs reflets. 

Je délaissais ma belle blonde pour rejoindre ma divine apparition. Cette fois, je ne la lâcherais pas. Je jouais des coudes avant de me placer tout près. Le dos contre la paroi du fond. A quelques centimètres de sa main. Je regardais droit devant moi, n'osant tourner la tête dans sa direction. Je transpirais comme un collégien avant son premier baiser. Aucun de nous n'osait faire le premier pas.

A chaque étage, de nouveaux arrivants obligeaient à nous serrer davantage. Mon coeur se figea, soudain. Et si c'était-là, son prochain arrêt. Il me fallait tenter quelque chose. Je ne pouvais laisser passer une telle occasion. Elle ne se reproduirait sans doute jamais plus. 

J'étais fiévreux, tout d'un coup. Je rassemblais le reste de courage encore présent, et approchais fébrilement ma main droite en direction de la sienne. Je la frôlais, ainsi, pour la première fois. Une décharge électrique me fit la retirer immédiatement. Je me résonnais, m'encourageais mentalement. J'avais réussi ce premier contact. Je revins à la charge. Cette fois, ma pression se fit plus forte. A ma grande joie, il n'y eut aucune réaction négative. Je m'enhardis et lui pris la paume de sa main. Elle ne se retira pas. 

J'avais gagné. J'avais réussi. J'étais le plus heureux des hommes, à ce moment précis. Mon regard troublé par les premières larmes rencontra la belle blonde que j'avais délaissée. Elle nous regardait, tous les deux. Sans comprendre. Sans se douter de ce qui se jouait.


Et puis, au dix-huitième étage, mon bel oiseau s'envola. Quittant cette cage dorée. Sans le moindre regard à mon encontre. 


Je me frottais les yeux. Peut-être, après tout, avais-je simplement rêvé. 









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                                                                                               .



















LE DINERWhere stories live. Discover now