52) Blessures

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En tant que patineur et sauteur de quads enthousiaste, j'étais plus habitué aux chutes qu'aux victoires, avec bleus, hématomes, entorses et fractures à la pelle. Fort de cette expérience, il y avait toujours ce moment dans le saut où on n'a pas encore atterri, mais qu'on sait que ça ne va pas le faire. Et quand je terminai la troisième rotation de mon Lutz, je sus instantanément que non seulement j'allais chuter mais qu'en plus j'allais mal chuter...
La douleur qui m'irradia la jambe et le craquement que j'entendis aussi bien que sentis le confirma et je serrai les dents pour ne pas crier de douleur et de frustration. Je me relevai en priant pour me tromper et glissai vers Brian, qui me regardai avec une inquiétude palpable.
Heureusement Javi ne prenait pas part à cette compétition, ça aurait compliqué les choses inutilement mais il avait forcément ressenti ma douleur et je sentais déjà sa panique monter.

-Tes hypothèses, demanda Brian en m'aidant à sortir du rink.

-Ça a craqué, avouai-je simplement.

Il se tendit et un médecin nous fit asseoir dans le couloir pour m'examiner immédiatement. Je m'étais souvent cassé/tordu/fracturé quelque chose en compétition et je n'étais pas fan de l'examen éclair parce qu'il n'était jamais juste : mon corps se régénérait trop rapidement pour que le diagnostic du médecin sur place colle avec celui du médecin à l'hôpital, et c'était louche... Cependant j'avais aussi appris à déchiffrer ces mêmes diagnostics sur le visage de ceux qui m'auscultaient et je n'en avais jamais vu faire une tête pareille.

-À quel point c'est mauvais ? Il faut qu'il déclare forfait ?, demanda Brian.

-Non seulement il faut qu'il déclare forfait, mais en plus... comment arrivez-vous à marcher avec une jambe dans cet état ?

Le médecin semblait horrifié, et je commençai aussi à m'inquiéter très sérieusement.

-Qu'est-ce que c'est ?, répétai-je.

-Il y a beaucoup de casse : vous vous êtes fracturé la fibula à au moins deux endroits, le tibia est endommagé, je ne sais pas à quel point, et je crois que vos ligaments en ont pris un coup aussi mais c'est difficile à dire sans examen plus approfondi. Vous devriez être incapable de poser le pied par terre au moment où je vous parle, vous n'avez même pas mal ?, vérifia-t-il avec incrédulité.

-Bien sûr que si j'ai mal, mais ce n'est pas une raison pour pleurer et se rouler par terre, ça n'avancerait à rien.

-On ne va pas tenter le diable : on te sort en brancard et tu n'as pas ton mot à dire, décida Brian.

-Fauteuil roulant ?, tentai-je.

Il me jeta un coup d'oeil agacé mais acquiesça, et je fus bientôt installé dans une ambulance qui filait aux urgences. Je soupirai en repensant au diagnostic : ligaments touchés et à peu près trois-quatre fractures pour les os. Mes ligaments avaient déjà été de nombreuses fois touchés, mais ils se réparaient assez vite. Les os par contre...
Chez un adulte normal (donc pas moi) il fallait compter 5 à 6 mois sans "activité physique" pour réparer UNE fracture (3 à 4 mois pour le tibia je crois), plus environ 7 mois en étant pessimistes pour les ligaments avant de pouvoir recommencer le sport. Problème : mes nationales étaient dans un mois, les JO dans trois, et je pense que ça comptait comme une "activité physique".
J'essayai de calmer ma respiration et de ne pas paniquer : en me nourrissant bien, je pouvais réduire mon problème de ligaments à un petit mois, peut-être même deux semaines, mais mes os étaient un grand point d'interrogation. Un mois ? Deux ? Combien j'avais de fractures ?

Dès qu'on arriva à l'hôpital, je fus transférer en salle d'examen : radio, IRM, la totale. Étant donné que nous étions au Japon, les médecins étaient tous sur moi et j'eus droit à une chambre qui ressemblait à une suite (hôpital privé oblige). Ce fut le directeur de l'hôpital lui-même qui vint m'annoncer les résultats, et j'avais l'impression qu'il m'annonçait mon décès tellement son ton était désolé.

Ice KingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant