Humiliation

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Tu es grosse.
T'es enceinte ?
Alors c'est pour quand le bébé ?

Tous les jours, toutes les semaines, vous répétiez ces mots avec dégoût et mépris.

Vous trouviez un moment où j'étais seule, et puis vos rires moqueurs ne s'arrêtaient plus.

J'avais envie de vous rire à la gueule,
Vous croyiez m'apprendre quelque chose de nouveau ?

Je me regardais dans une glace tous les jours. Je savais à quoi je ressemblais. Je savais que j'étais grosse.

Tous les jours, toutes les semaines vous continuiez à vous moquer, à m'humilier, à me descendre six pieds sous terre.

Je disais rien, en même temps, qu'est ce que je pouvais répondre ?

C'était pas comme si vous inventiez quelque chose, tout ce que vous disiez, c'était vrai.

Et puis, qu'est ce que je pouvais faire face à une bande de gars, plus grands et plus nombreux que moi.

Fallait juste encaisser les phrases venimeuses qui sortaient de vos bouches. Fallait juste ignorer vos commentaires, vos regards, vos gestes désagréables. Fallait rester forte, pour pas vous montrer que ça m'affectait. Fallait rien dire, pour pas que ça empire.

Tous les jours, toutes les semaines, ça ne s'arrêtait pas.

Je m'étais demandée plusieurs fois, pourquoi moi?

Je n'avais rien demandé, c'était même pas comme si je vous cherchais, j'étais plutôt discrète, plutôt timide. Je voulais rester en dehors des embrouilles.

Je voulais juste devenir invisible. Comme ça, vous n'auriez plus à vous acharner sur moi.

Tous les jours, toutes les semaines, je faisais comme si vous n'existiez pas, comme si vous ne me répétiez pas ces mots, comme si tout allait bien.

Personne ne voyait ce qu'il se passait, parce que vous me retrouviez toujours quand j'étais seule. Personne ne voyait ce qu'il se passait, parce que je jouais à la fille indifférente et mature.

Mais une fois chez moi, une fois qu'il n'y avait plus personne qui pouvait me voir, me juger. Une fois que j'étais enfermée dans ma chambre, seule, dans le noir, je pouvais me lâcher.

Je pouvais pleurer.

Tous les jours, toutes les semaines, vous n'aviez rien d'autre à faire que de m'humilier ?

Elle a dit que t'étais trop grosse pour danser.
M'avait dit une amie.

J'avais rigolé.

En plus de vous et vos mots méprisants, d'autres personnes commençait à s'y mettre aussi, pas régulièrement non, mais une remarque par ci et une remarque par là.

Tu fais du sport ? Non, ça se voit. Tu devrais en faire.
M'avait délicatement dit l'infirmière.

Encore et encore. Les remarques, les regards, tout s'accumulait.

Tu dois perdre du poids. Tiens voilà le numéro d'une diététicienne.
M'avait gentiment recommandé le docteur.

Ça commençait à faire un peu beaucoup, surtout que vous n'arrêtiez pas. Tous les jours, toutes les semaines. C'était un cycle, sans fin.

T'es grosse. J'espère jamais devenir comme toi.
M'avait crié mon frère.

J'avais aussi reçu des dessins, c'était pas de vous, encore heureux, mais c'était pas très flatteur.

Allez monte sur la balance, il faut te peser, pour essayer de contrôler ton poids.
Me rappelait mon père tous les dimanches matins.

Une remarque de plus, un sourire de plus.

Il va falloir te donner un cheval plus résistant, vu ton poids.
M'avait suggéré la monitrice à l'équitation.

J'avais l'impression que ma vie tournait autour de ça. Mon poids.
Je n'étais qu'un chiffre, et un chiffre pas assez bien. J'étais définie par ce chiffre, j'étais rejetée de tous les côtés à cause de mon apparence. C'était comme si, il n'y avait que ça qui comptait. Que le physique. C'était comme si, mon esprit n'avait pas sa place ici. 

Alors, évidemment que j'ai commencé à me demander ce que je foutais ici.

J'avais pas ma place dans ce monde, je servais à rien. Tous les gens que je connaissais, je n'étais pas vraiment proches d'eux, c'était juste de l'hypocrisie qui faisait vivre nos relations.

Je n'avais rien qui me rendait heureuse. Je n'avais rien qui me faisait rester à la surface.

J'étais trop grosse, trop moche, trop nulle. J'étais juste de trop dans ce monde.

Et vous me l'aviez bien fait comprendre.

Tous les jours, toutes les semaines.

Le poids que j'avais sur les épaules, tout ce que je cachais, jours après jours, sans aucune difficultés, m'avaient rendue indifférente.

Mes notes chutaient, parce que ça ne m'importait plus. Je n'avais plus peur de mourir, je me disais que si demain j'étais plus de ce monde je ne manquerai à personne, d'ailleurs, j'vais même pensé à en finir. Mais je penses que j'avais juste pas le courage finalement. 

J'étais une trouillarde.

Mes yeux n'en pouvaient plus de pleurer toutes les nuits, alors j'ai trouvé une solution qui me soulageait.

J'ai tracé un trait. Et puis deux, et puis trois. Pour finir avec un peu plus d'une vingtaine de coupures sur les bras. Ça brulait, mais ça faisait du bien de ressentir une autre douleur que celle que je ressentais d'habitude.

C'était pas grand chose, ces coupures. Après tout j'étais encore une débutante.

Et qu'est ce que j'étais naïve.

Je me baladais en t-shirt chez moi, et mes parents l'ont découvert. J'ai du leur avouer que c'était à cause de vous, vous et vos mots que vous me répétiez à longueur de journée.

Alors, mes parents ont contacté mon école, les profs étaient tous au courant. Les regards de pitié que je recevais de leurs parts me dégoutaient. Le monde connaissait à présent mon secret, et je me sentais nue face à eux.

Heureusement, vos mots blessants ont cessés, vu que l'école vous surveillait de très près.

Mais ça ne voulait pas dire que j'allais mieux.

Mon état mental et physique, empirait jours après jours.

J'avais promis à mes parents « plus jamais » pour les coupures sur mes bras.

Pourtant, c'était une promesse faite en l'air. Je devenais de plus en plus vicieuse, connaisseuse dans la matière. Je n'étais plus naïve.

Et mes plaies ne faisaient que s'agrandir, mes coupures étaient de plus en profondes. Et j'aimais ça, voir le sang couler le long de mon corps. C'était devenu une obsession, une admiration.

Et les coupures n'ont pas cessé pendant deux ans.

Je me sentais tellement mal. Je me haïssais tellement.

Et tout ça, à cause de vous.

Je ne dis pas que tout est de votre faute, loin de là, mais vous avez commencé, vous m'avez humiliée.

À cause de vous, même après presque cinq ans, je suis toujours aussi mal dans ma peau.

À cause de vous, je ne pourrais jamais me trouver belle.

À cause de vous, j'ai des cicatrices partout sur mon corps et sur mon coeur.

À cause de vous, je n'aurais jamais confiance en moi.

FragmentsWhere stories live. Discover now