Rackham

1. Pirates

— Terre ! Tortuga Capitaine !

A l'entente de l'annonce du nid de pie, le jeune gabier descendit des haubans pour aller à l'avant du navire. Tortuga. Dernière destination de son voyage avec ces marchands. Un vrai nid de pirates que les plus honnêtes marins fuyaient à moins de n'avoir rien revendu dans les ports plus en règles. L'île était une vraie mine d'or pour qui n'affrontait pas les navires pirates qui sillonnait les océans. Drapeau blanc hissé, le petit navire marchand entra dans le port pirate. Le gabier regardait avec fascination cette ville de forbans.

— Will ! À ton poste !

Le gabier se détourna de la mer à l'entente de son supérieur et remonta jusqu'au sommet du mât de misaine pour aider ses compagnons. Depuis son perchoir dans les haubans, William pouvait voir la ville ; sur la plage derrière les quais, des tentes étaient établies. La ville était petite mais les rues étaient de toute évidence assez larges tandis qu'une taverne semblait dominer l'océan à l'entrée de la cité, sa terrasse étant visible depuis la baie. Tortuga était typiquement le type de ville que l'on imaginait tomber aux mains des pirates. Aussi occupaient-ils déjà l'île depuis bon nombre d'années. Ce qui n'était qu'un point de relais est vite devenu le nouveau repaire de beaucoup d'équipages.

Une fois le navire amarré, chacun mit la main à la patte pour vider les marchandises de la cale. Le capitaine était parti négocier la valeur de sa cargaison et, déposant une caisse auprès des autres, Will jeta un coup d'œil à ses compagnons avant de s'éclipser sans rien dire, longeant le port et observant les différents navires dans la baie. Son regard fut attiré par un grand brick au bois sombre qui mouillait très près des quais. Le navire était majestueux, entretenu, ses voiles grises repliées sur ses mats. Le jeune homme aperçut quelqu'un sur le pont qui sembla l'apercevoir à son tour, le poussant à passer son chemin. Will gagna la ville derrière la plage, remontant les rues, évitant les gens qui circulaient et les pirates bourrus qui pouvaient l'envoyer dans le décor. Passant devant la grande taverne qui donnait sur la mer, le brun attrapa une conversation au vol de deux hommes quittant l'endroit :

— À ce qu'on dit, le capitaine Rackham aurait accepté le pardon royal.

— Alors que la Royal Navy vient de couler son William ? Arrête de croire ces rumeurs !

Il se retourna, surpris d'entendre son nom et son prénom dans la bouche d'inconnus. Dans un coin de la grande pièce, une file de marins s'étendait depuis une table d'où Will put entendre qu'un certain capitaine Telmer cherchait des matelots. Resserrant autour de sa tignasse brune le bandeau rouge qu'il portait, Will percuta quelqu'un, un marin alcoolisé hilare qui se tourna vers lui en perdant immédiatement le sourire.

— Hey ! Fais gaffe, morveux !

Il tira son sabre, perdant l'espace d'un instant son équilibre, avant d'essayer de faucher Will de son arme. Le brun se baissa et le coup frappa un pilier qui soutenait l'étage. Le marin chercha à retirer son sabre mais tituba en arrière avant de tomber sur un homme qui discutait à une table. Sans que le jeune gabier ne comprenne la situation, une bagarre venait de se déclencher : l'homme à la table envoya à terre le marin ivre qui chercha à lui mettre un coup. D'autres se joignirent à cette bagarre par pur plaisir si bien que la taverne entière retentit bientôt de bruit de casse et de cris de pirate. Encore pris pour cible, Will para le coup de son premier adversaire avec une bouteille qui éclata et il fut bousculé avant de heurter le sol, tombant nez à nez avec un sabre qu'il attrapa. En se relevant, il aperçut un homme dans l'entrebâillement d'une porte qui lui fit signe de venir. Le gabier le rejoignit avant de tomber face à plus d'une dizaine de pirates ; celui au centre était le plus massif mais aussi le plus richement vêtu, ses cheveux grisonnant rabattus en arrière sous un large chapeau. Il prit alors la parole, faisant presque sursauter le jeune homme qui désespérait de sa situation :