CHAPITRE 4

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Les deux hommes traversèrent le hall et montèrent les marches en pierre qui menaient à l'étage. Des chandeliers étaient fixés aux murs, soutenant des bougies dont les flammes dansaient. La rumeur de la fête s'évapora, faisant peser un silence gênant entre eux. Lazare portait une attention toute particulière à ce qui l'entourait. Il adorait le côté traditionnel du manoir, avec ses pierres brutes, et ses poutres en bois. Il s'approcha de la fenêtre pour contempler la nuit claire et devina les contours d'un bâtiment.

— Qu'est-ce qu'il y a là-bas ? demanda-t-il, curieux.

— Les écuries. J'aime beaucoup les chevaux. J'ai été maréchal-ferrant.

Lazare lui jeta un coup d'œil surpris. Comment avait-il pu faire fortune ? Il garda cependant pour lui les questions qui lui brûlaient les lèvres, de peur de paraître trop indiscret. Son hôte ouvrit une porte et l'invita à entrer. L'infirmier découvrit alors une immense bibliothèque, qui renfermait des centaines de livres. Il inspira avec plaisir le parfum des pages et de l'encre. Dans un coin, un espace avec des fauteuils et canapés avait été aménagé.

— C'est un de mes endroits favoris, annonça Jim.

— Je comprends pourquoi.

Lazare effectua un tour sur lui-même, ébahi. Lorsqu'il reporta son attention sur le brun, il sursauta légèrement, ne s'attendant pas à le voir aussi près. Son parfum boisé lui monta à la tête, lui fit fermer les yeux un instant. Un vertige le contraignit à s'appuyer contre un bureau en bois brun. Comme s'il l'avait senti, Jim passa une main dans le bas de son dos pour le soutenir. L'infirmier ouvrit les paupières et renversa la tête en arrière, comme hypnotisé. Il ne prêta pas attention à son souffle court, ni à ses mains tremblantes. Seul lui importait l'homme face à lui. Finalement, ses cheveux n'étaient pas si foncés, ils tiraient davantage sur une couleur cuivrée. Il retrouva cette nuance singulière dans ses iris, qui le fixaient avec convoitise.

— Tu as enlevé tes lentilles, constata-t-il.

— Pardon ? Oh... Oui, confirma son hôte en posant sa lanterne avec précaution. Elles m'irritent les yeux au bout d'un moment.

Lazare esquissa un sourire, bien plus à l'aise devant ce regard chaleureux. Cependant, il détourna rapidement les yeux. Il y avait toujours cette culpabilité, qui le freinait et lui soufflait qu'il n'était qu'un incapable. Il n'assumait pas son attirance pour la gente masculine, c'était trop compliqué. Il n'avait jamais supporté le poids des regards sur lui, ni le jugement. L'image qu'il avait de lui-même était trop terne pour qu'il puisse se sentir attirant et désirable, surtout pour un homme comme Jim. Ce dernier s'approcha, bien trop près à son goût. N'osant pas lever les yeux, l'infirmier capta un éclat argenté sur son torse. Une petite croix pendait à son cou, retenue par un collier. Un crucifix.

— Tu es croyant ? demanda-t-il, sans réfléchir.

— Oui. Mais il y a longtemps que je ne prie plus.

Soudain, un éclair blanc éclaira la pièce, suivi d'un coup de tonnerre. Lazare sursauta et accrocha les prunelles brunes, qui le fixaient avec intensité. Il se sentait fébrile, comme si ses forces le quittaient lentement. Il fronça les sourcils en se souvenant que, lorsqu'il était parti, le ciel était totalement dégagé. Néanmoins, à peine y eut-il songé que cette pensée s'envola. Jim venait de poser une main légère contre sa joue. Lazare détourna la tête, gêné, et remarqua que le bout de ses doigts était noir.

— Tu vas te mettre du maquillage partout, souffla-t-il.

— Ce n'est pas du maquillage, souligna son hôte en essuyant sa main sur son pantalon. C'est du charbon.

Cette explication aurait dû le questionner. Pourtant, Lazare se contenta de hocher la tête. Il écoutait la voix chaude et suave, sans réellement chercher à la comprendre. Jim reposa sa main sur sa joue et, cette fois, il n'eut pas la force de résister. Ses yeux vert clair croisèrent ceux de son hôte et ses dernières forces l'abandonnèrent. La tête lui tournait, ses oreilles bourdonnaient. Des bras vinrent le soutenir solidement, l'attirer contre un torse chaud. Lazare se sentait frêle entre cette étreinte de fer.

— Je... souffla faiblement le blond.

Il fut coupé par les lèvres du brun, qui fondirent sur les siennes. Une douce chaleur réchauffa le creux de son ventre et se répandit dans son corps entier. Depuis combien de temps n'avait-il pas été embrassé avec cette passion ? Avec cette envie ? Enfin, il pouvait lâcher prise, déposer les armes. Il se sentait en sécurité, dans les bras musclés de Jim. Ce dernier l'enveloppait de toute sa force et sa robustesse. Il dégageait une aura puissante, mais tranquille.

Lazare sentit sa langue, qui quémandait l'accès à la sienne. Il le lui donna sans hésitation, sans concession, le rejoignant dans une danse sensuelle. Sa peau fut parcourue de milliers de frissons. Il ne sentait plus que son parfum entêtant. Le blond ferma les yeux et s'agrippa à la cape de son partenaire, comme pour essayer de garder les pieds sur Terre. La douce chaleur s'était transformée en un brasier incandescent. Il y avait un goût de danger, d'interdit. Jamais il ne s'était donné à un inconnu de cette façon, mais une force invisible l'attirait inexorablement.

Lazare finit par rompre le baiser, la respiration haletante. Il avait l'impression d'évoluer à travers un brouillard. Autour de lui, tout était flou, excepté Jim, qui était d'une netteté parfaite. L'orage n'était plus qu'un bruit en arrière-plan. Les plombs avaient dû sauter, car la bibliothèque était désormais plongée dans la pénombre, seulement éclairée à intervalle irrégulier par des éclairs. Quelque part dans la pièce, un vieux tourne-disque s'était mis en marche, diffusant un air de jazz sensuel. Cependant, l'infirmier était incapable de raisonner de façon cohérente. Jim ne semblait pas décidé à lui laisser le moindre répit. Il plongea le nez dans son cou pour l'embrasser, le dévorer. L'infirmier rejeta la tête en arrière pour s'offrir d'avantage et ses lèvres s'ouvrirent dans un soupir de plaisir muet. Jamais il ne s'était senti aussi désiré. Et jamais il n'avait été autant attiré. Le désir devenait un besoin vital et urgent. Lazare se sentit basculer en arrière, son dos rencontra le bois du bureau. Il passa ses doigts dans les mèches cuivrées, d'une douceur étonnante, son regard fixé sur la lampe tout près de son visage, qui clignotait.

La suite lui sembla irréelle. Jim brisait toutes ses barrières, une à une, avec une facilité déconcertante. Ce soir, il se sentait enfin lui-même. Libre d'étreindre qui il désirait, fût-t-il un homme. Ses mains lui firent redécouvrir des sensations enivrantes. Sa langue redéfinissait le mot sensualité. Lazare n'avait pas honte de donner de la voix. De crier son plaisir et sa soif de plus. Ce soir, il était insatiable, avide. Jim se montrait tantôt doux, tantôt passionné. Il lui fit entrevoir des sensations inédites et transcendantes. Pas un centimètre carré de sa peau pâle ne fut délaissée par son hôte. Lazare n'était plus qu'un esprit égaré par les plaisirs de la chair. Les iris bruns de Jim l'hypnotisaient, ses lèvres gourmandes l'appelaient, son jeu de reins le comblait.

Le Diable tient toujours ses promesses.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant