Elle

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« C'est grâce à son troisième roman, sans nul doute le plus controversé... »

Une main fermée en un poing, posée sous mon menton, j'observe silencieusement le spectacle surélevé qui s'offre à moi.

Inutile d'essayer de me concentrer sur les paroles que prononce le professeur. Son être tout entier me distrait immodérément.

Dès le début du semestre, il m'apparut comme différent de ses collègues, auxquels je ne prêtais point attention. Il n'était pas aussi remarquablement séduisant qu'un mannequin – il semblait même avoir une bedaine –, et la matière qu'il enseignait était loin d'être ma favorite. Pourtant, je me surprenais à attendre impatiemment la fin de la semaine pour assister à son cours.

Je n'ai aperçu qu'au deuxième cours dispensé l'alliance scintillant à son annulaire gauche. Je me suis posé la question « est-ce que son statut marital représente un obstacle qui m'empêchera de mener une relation au-delà du professionnel ? ».

Ma réponse s'est avérée négative. Dans le pire des cas, nous serions tous les deux fautifs.

Je suis inexorablement attirée par cet homme, comme les phalènes le sont par une source lumineuse. Rien n'est capable de me repousser, pas même une brûlure.

Mes dents s'enfoncent voluptueusement dans ma lèvre inférieure pendant que je détaille du regard le professeur. Concentré comme il est sur le déroulement de son cours, il n'y a aucune raison pour qu'il surprenne mes pupilles, dilatées par le désir, descendre doucement de ses lèvres où j'aimerais y déposer les miennes à son nez droit, à sa mâchoire pointue, à sa chemise qui dissimule son torse, au renflement de son pantalon sous le niveau de sa ceinture.

Je me suis tant laissée emporter par la contemplation de son corps que je ne me suis pas rendu compte à quel point je le dévisageais. Sûrement intrigué par ce comportement, nos regards se croisent.

Prise en flagrant délit, mon cœur se met à battre la chamade et mes joues rougissent d'embarras.

J'ignore si c'est mon esprit qui me joue des tours parce que je suis l'incarnation même de l'espoir, ou s'il s'agit bien de la réalité, mais j'ai l'impression que les yeux du professeur s'arrêtent plus souvent sur moi que sur mes camarades.

Si mon imagination n'invente rien, alors j'ai peut-être une chance malgré ma jeunesse, malgré son engagement. Je prends la décision et le risque d'aller le voir en fin de cours.

J'imagine déjà la sensation de ses mains avides se balader sur mon épiderme, afin de créer une chaîne de frissons. Torture exquise martyrisant mes cuisses, mon ventre, ma poitrine, jusqu'à ce que ses mains se nouent derrière ma nuque.

Si mes émois ne me font pas oublier jusqu'à mon prénom, ma courte lucidité me permettra de percevoir ma respiration haletante, puis me fera prendre conscience avec effroi de la tangibilité de cet acte. Mais par un échange de regards, il rassurera toutes mes appréhensions.

Et un gémissement de jouissance naîtra du tréfonds de mes entrailles.

Le professeur lance habilement une blague à laquelle toute la classe rit aux éclats, moi y compris. Que faire excepté rire ? Je suis hypnotisée par le sourire qu'il me renvoie, rien qu'à moi.

Il me tarde de ressentir cette explosion de plaisir au creux de mon ventre, mêlée d'une douleur lancinante de toutes les premières fois. Je le sais, je suis sur le fil du rasoir.

De l'art de maîtriser sa passionWhere stories live. Discover now