Gasoline

-7-

Lorsque mes pieds foulent le sol de la ville, il est à peine 7h du matin. Mon coeur s'agite et le stress m'envahit peu à peu. C'est avec la boule au ventre que je prends la route du hangar. Mais avant, petit déjeuner !
Je m'arrête chez Vily pour récupérer mon sachet repas. Accoudée à son comptoir, elle attend patiemment que la machine à café termine son travail.
Le nez dans son livre, elle ne remarque même pas la présence d'un nouvel individu dans son café.
« Forest boy, soufflais-je, quel titre ! C'est une histoire d'elfe ?
Elle ricane :
- Non, d'amour comme tu les aime.
J'esquisse une grimace :
- Ça doit sûrement être niais.
- Non ! C'est très mignon ! »
J'hausse les épaules, pas du tout convaincu et récupère mon sachet habituel.
Elle me salut une dernière fois, un sourire amusé sur les lèvres.

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Arrivé au hangar, mon regard parcours la bâtisse de métal. Je n'ose ni y entrer, ni faire demi tour. Si Jaimie n'avait toujours pas envie de me voir ? Si je le décevais une nouvelle fois ? Je souffle un grand coup, me débarrassant de mes craintes l'espace d'une seconde.
La main tremblante, j'ouvre la porte de taule et entre discrètement. Le hangar m'entoure de sa froideur. Le calme y est maître, personne à l'horizon. Je parcours l'espace vide et poussiéreux. Le bureau de Jaimie, aussi vide que le reste, nous attire moi et ma curiosité.
Je m'avance, incertain, vers une poubelle rempli à craquer.
Un soupir échappe à la barrière de mes lèvres. Je retombe mollement sur la chaise de son bureau et caresse le bois du bout des doigts.
« Bien sûr, quand je viens il n'y a personne...»
Déçu. Voilà ce que je suis finalement, moi qui, quelques minutes plus tôt, craignais de devoir faire demi tour sous les reproches de Jaimie.
Mes iris emplies de curiosité aperçoivent un logo dans la poubelle. Un coin de feuille cornée et ornée de deux initiales bien voyantes. St.Su. Steve Sullivan. Devrais-je laisser ce papier à sa place ? Bien sûr ! Est-ce que je l'ai déjà dans les mains ? Évidemment !
En dépliant le papier, les écritures me dévoilent un tas de noms. Certains que je connais me font sourire, d'autres inconnus m'intriguent. Mais un en particulier attire mon attention. Liang.
Mes idées pulsent et vont dans tout les sens. Ni Oh participe à cette mission. Impossible. Il a changé d'avis alors ?
Mes mains replient en vitesse le papier et le rejettent. Mais mon esprit n'est déjà plus avec elles. Ni Oh participe et il m'a menti. Jaimie m'a viré du groupe d'abord, Ni Oh m'a relégué au rang de gamin irresponsable et vient maintenant de me mentir au visage.
Je retiens des larmes inutiles et regarde autour de moi. Pourquoi lorsque je crois trouver une famille, celle ci semble vouloir me maintenir en dehors de ces rangs. Pourquoi quand je crois trouver ma place, les autres me font comprendre que je n'y suis pas. Je perds mon droit de faire parti du gang et avec cette cachotterie de Ni Oh je perd sa confiance.
Ma colère semble démesurée, exagérée sans doute. Mais être mis à l'écart me fatigue et la haine que j'ai besoin de hurler au monde devient trop grande.

Mes pas me dirigent d'eux même vers l'extérieur, puis de rue en rue. Des explications, voilà ce dont j'ai besoin.

                        *******

Trois coups pour qu'il finisse par m'ouvrir. Ni Oh est là devant moi, portant uniquement son jogging. Je devais l'avoir réveillé pour qu'il m'ouvre dans cette tenue. Mes poings sont serrés, mon regard aussi froid que possible. Il laisse échappé un sourire que j'ai soudainement envie de lui faire ravaler. Mais il ne lui faudrait pas plus de deux secondes pour me mettre au sol alors je préfère simplement passer devant lui sans prendre la peine de lui demander. Il referme derrière moi et souffle.
« Sun, la plupart des gens préviennent avant de venir à 8h et demi du matin....
- Tu m'as menti !! Tu participes à la mission ! Tu m'as mis à l'écart comme les autres !
Son regard parcourt ma petite silhouette d'un air épuisé.
- Non, non et non. Je ne participe pas je te l'ai déjà dit. Et tu es trop jeune pour ce genre de mission, ce n'est pas te mettre à l'écart, c'est te protéger.
- Me protéger ?!
- Sun tu t'énerves pour rien...
Ma bouche s'entrouvre. Je me laisse tomber sur son fauteuil.
- J'ai vu ton nom de famille sur la liste de Steve Sullivan.
Il fronce soudainement les sourcils :
- Tu as fouillé le bureau de Jaimie !! Sunset Charles !
- J'ai pas fouillé ! J'ai trouvé la feuille sous mes yeux !
- Bien sûr...
Sûrement lassé de mes erreurs, il s'assoit à son tour dans le canapé et passe une main sur son visage. Ses yeux d'asiatiques se plissent en deux traits presque parfaits.
- Je.Ne.Participe.Pas. C'est assez clair ?
- Mais et ton n..
- Nom ? Je suis sûrement pas le seul asiatique a s'appeler Liang et le gang de Sullivan a fusionné avec les Blue Dragons je te rappelle...
À l'entente du nom du gang chinois, mon regard se pose sur le tatouage de son avant bras. Un dragon fin et détaillé dansant harmonieusement avec une flamme bleu. N'ayant pas entretenu son tatouage, le bleu de la flamme a perdu de son éclat.
Un soupir se fait entendre. Je ne saurai dire si il s'agit du sien ou un des miens dont je n'aurai pas contrôlé la venue. Je me dirige d'instinct vers lui et pose ma main sur son dragon d'encre.
Dernier témoin d'un passé lourd, Ni Oh n'a pas su se décider à le faire enlever, quand bien même ça aurai fonctionné.
Pris d'un élan de douceur, mes lèvres caressent sa peau noircie, décorée par le corps entier de ce dragon.
Le regard de mon grand asiatique se pose sur moi.
- Tu joues avec le feu avec cette histoire Su'...
- C'est ma vie à moi ça. Jouer avec le feu. Je marche sur de l'essence et mon coeur fait des étincelles.
- C'est nul ça !»
Son rire accompagne ses mots. Ça sonnait mieux dans ma tête je l'avoue. Mais son rire est une belle récompense.
Alors nous restons là. Assis l'un contre l'autre malgré les pensées vagabondes qui me traversent, allant de Ni Oh à Steve Sullivan.
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