L'audacieuse Sofia Capriaglini Tome 1 : enquête préliminaire

4 - La pharmacie

Cédric est dans sa période boulot et ne rentre que tard le soir. J'ouvre le frigo à la recherche d'un accompagnement original au saumon que je viens d'acheter. Ce sera un plat à base d'œufs. L'odeur qui s'échappe de four, n'est pas terrible. Je ne me formalise pas.

Le dîner se passe sans commenter le plat, qui en fait, n'est pas très bon. Pourtant, j'adore cuisiner. Je m'appelle Sofia Capriaglini. Un nom qui embaume le mascarpone, l'huile d'olive et les tomates fraîches. Enfant, je me voyais aux fourneaux d'un grand restaurant. J'admets, j'en suis encore loin.

Ne voulant pas me décevoir, Cédric évite seulement de se resservir. Dans la nuit, je suis assaillie par des maux de ventre. Cédric appelle le médecin qui hésite entre une gastroentérite et une intoxication alimentaire. Il demande d'où vient cette odeur de pourri qui flotte dans le salon. Je suis trop honteuse pour reconnaître mon erreur. Cédric est un peu patraque aussi, jusqu'à ce qu'à ce qu'il ne devienne vert et se précipite aux toilettes. Le médecin rédige une ordonnance et je dois liquider les derniers euros de Kévin.

Le lendemain, Cédric est déjà parti bosser comme je sors en quête d'une pharmacie. Celle d'à côté est fermée. Merde ! La plus proche est celle de Marine. Comme je ne me sens pas d'attaque pour traverser la ville en bus, je me résigne et prie pour qu'elle soit absente de son officine. Mes rapports avec Dieu sont à sens unique : je ne sais que demander, pas remercier. En franchissant les portes vitrées, mon espoir s'effondre. Dieu est bien revanchard avec moi. Il fait frais mais la température de la pharmacie perd encore quelques degrés alors que sa voix hautaine me décoche un bonjour.

- Qu'est-ce que tu veux ?

Je lui tends une ordonnance chiffonnée qu'elle s'empresse de lisser avec dédain. Elle s'éloigne puis revient avec une boîte. Sa blouse s'ouvre sur une cuisse anorexique. À  part ses yeux clairs, je ne vois pas ce que Cédric lui trouve d'attirant.

Bien sûr, je ne suis pas dans son fichier. Le coin de sa bouche se redresse en un embryon de sourire puis le rictus disparaît.

- T'es CMU, peut-être ?

Je me retiens d'exploser. Non, pourquoi ? Tu ne les sers pas les CMU ? J'ai l'air dans la dèche ? Soudain, je soupçonne mon frère de s'être confié à elle. C'est incroyable son talent pour amener les gens en quelques mots à douter de leurs proches.

Une des préparatrices nous observe depuis le comptoir voisin, l'air étonné. Le tutoiement et la fraîcheur du ton lui semblent incompatibles. Marine tente de se rattraper.

- T'as des nouvelles de Cédric ?
Son sourire forcé m'agace, l'envie de la remettre en place devient irrépressible.

- J'ai passé la nuit avec lui. Je suis fatiguée.
Elle devient pivoine et je me félicite intérieurement.

- Mais ta vie privée ne m'intéresse pas, lâche-t-elle vexée.

Si je raconte sa réaction à Cédric, il va encore gamberger.