STYLIA (N°8)

46 6 0
                                    

Presque 2 heures que je fixe le plafond, allongée sur mon lit ; je n'ai pas envie de me lever.

Mon portable sonne : Kate me demande de les rejoindre au stade et Stevens s'impatiente. Je soupire et m'enroule un peu plus dans les couettes.

Une nouvelle fois, je raterai l'entraînement.

Une nouvelle fois, les souvenirs vont reprendre le dessus, m'emmenant avec eux dans un gouffre sans fond.

8 décembre 2012

Depuis le salon, j'entends Kenneth gémir. Je n'hésite pas une seconde et grimpe les escaliers 4 à 4.

Mon petit frère est assis dans son lit, les joues inondées de ce que j'aime l'entendre appeler  
« l'eau salée qui dégouline des yeux ».

Il a 3 ans.

Je m'avance et le prends dans mes bras, faisant suivre sa couverture et son doudou : un petit lapin bleu dont une oreille tombe légèrement.

Kenneth l'a nommé « Hinto » qui signifie justement « bleu » dans la langue qu'était celle des Dakota.

J'allonge mon frère sur le canapé et pose une main sur son front. La fièvre a disparu. Mais ça ne suffira pas.

Le médecin lui a diagnostiqué, il y a quelques temps, une fibrose pulmonaire idiopathique.

C'est une jolie façon de dire que ses poumons se suicident un peu plus chaque jour.

Le traitement coûtant près de 3 mois de salaire, la seule solution a été de demander une aide à la Technoide. La réponse est censée arriver aujourd'hui. En attendant, nous devons assommer Kenneth d'antidouleurs qui commencent à perdre de leur efficacité.

Il recommence à pleurer et je sens moi aussi les larmes monter. Je ne supporte plus de le voir dans cet état.

Je retourne le voir et m'assoie à côté de lui, lui caressant la main sans me soucier des larmes que finalement je verse.

KENNETH: Pas pleurer, Sty'.

Il tend l'une de ses petites mains et la pose sur ma joue, plantant ses si beaux yeux bleus dans les miens avec un sourire.

Je lui souris en retour, essuie rapidement mon visage.

Le facteur a dû passer.

Je sors et me précipite vers la boîte aux lettres puis retourne dans le salon, une enveloppe blanche à la main. Mon adresse au dos mais celle du siège de la Technoïde sur le devant. Avec ce foutu logo qui j'ai toujours trouvé plus menaçant qu'engageant.

Le stress à son paroxysme, je n'entends même pas la question de mon frère qui a toujours eu du mal avec les « n ».

KENNETH: C'est la Tech'oide ?

Fébrilement, je déchire le haut de l'enveloppe et en retire la lettre que je parcours des yeux jusqu'à tomber sur un mot. Un seul mot de 6 lettres qui détruit à jamais des semaines entières d'espérance : « REFUSÉ ».

4 ans plus tard

Kenneth est mort 3 mois plus tard.

Je suis restée un moment avec ma mère mais j'avais déjà contacté Sonny qui m'attendais.

Je devais partir.

J'ai embrassé Maman et j'ai simplement quitté la maison.

Il n'y avait rien à dire de toute façon. Ma décision était prise et irrévocable.

Like A Fight SongWhere stories live. Discover now