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Des gens passent sur le sentier, à cette heure-là. Je ne suis pas trop habitué à voir du monde au parc, car j'y vais souvent la nuit. Il y a des couples, avec ou sans enfants, des petits collégiens qui viennent pour s'amuser, des personnes âgées, qui ne marchent que pour leur forme physique, puis il y a les gens seuls.

De tous les âges. Un sixième n'ayant pas d'amis, un ado n'ayant plus de raisons de vivre, un adulte en dépression, un grand-père voulant quitter la vie.

Je me rends compte que si je ne change pas maintenant, je passerais par les deux dernières étapes. J'en suis déjà à la deuxième. La première, je ne m'en souviens pas.

Je n'ai aucune envie de changer. Je n'ai pas de raisons de changer. Parce que, malgré le fait que ma mère ai essayé de me le cacher, je vais mourir dans deux mois.

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A 18h07, j'aperçois Taehyung arriver d'un pas pressé vers moi. Il se plante en face de moi :

- Pourquoi tu n'es pas au bar ? Yenka s'inquiète, elle t'attend.

- Mon cul, oui ! Elle me prend pour son chien ! je m'écrie.

Il enlève ses lunettes, et s'assoit à côté de moi :

- Ce n'était pas pour jouer, qu'elle voulait que tu viennes.

- Pourquoi, alors ? je demande.

- Elle voulait te faire une surprise, lâche-t-il, sans doute exaspéré par mon comportement de gamin.

Je me lève, et, pour lui faire plaisir, j'irai la voir, Yenka. Il lève des yeux plein d'espoir sur moi :

- Tu veux bien ?

- Oui, je n'avais juste pas envie de jouer ce soir, c'est pour ça que je ne suis pas venu. Je pensais qu'elle voulait que je joue encore, dis-je.

Je l'entends se lever, puis souffler un « non ». Quand nous arrivons au bar, il fait complètement nuit, seules les lumières de la ville éclairent l'entrée. Taehyung rentre avant moi, et me cache les yeux à l'aide d'une de ses mains. Il referme la porte derrière moi. Il chuchote à mon oreille :

- Ce soir, c'est la fête.

Puis il enlève sa main. La lumière des projecteurs m'agresse les yeux. La musique est trop forte. Je sens quelqu'un m'enlacer, et je devine facilement que c'est Yenka :

- Je suis contente que tu sois venu, dit-elle, toute souriante.

Si elle a cru que je suis venu pour elle, elle peut encore rêver. Elle est en robe, et, quand je vois ses yeux pétillants, je la repousse violemment. Il faut que je sorte, je sens que je vais encore craquer. Trop chaud, trop de monde, trop de musique d'ambiance, trop d'ambiance, ces choses ne me conviennent pas du tout. Une main me retient le poignet, et je reconnais le petit copain de Taehyung... Jungkook, je crois ? Il m'adresse la parole :

- Yenka t'attend.

Il marque une pause, fronce les sourcils, et continue :

- Tu vas où ?

Je ne lui donne pas de réponse, secoue mon poignet pour qu'il enlève sa main, sauf que sa poigne se ressèrre :

- J'attends une réponse.

Je ne le connais pas, je n'ai aucune raison de lui faire confiance, sauf peut-être le fait qu'il soit proche de Taehyung. Je me sens obligé de répondre, comprenant qu'il ne va pas me lâcher :

- Je vais quelque part. Et ça ne te concerne pas. Laisse-moi partir, maintenant.

Je le pousse loin de moi, prends mon sac, et claque la porte en sortant, énervé qu'il m'ai fait perdre quelques secondes de ma vie.

Je suis surpris quand je m'aperçois que les trucs blancs tombent encore du ciel et... recouvrent le sol ? Qui a bien pu faire ça ? Qu'est-ce que c'est ?

Je me baisse, et plonge la main dans cette étrange matière. Je la retire aussitôt. C'est glacé ! Et... ça fond dans ma main !

Au fur et à mesure que je marche, mes pieds s'écrasent dans cette épaisseur blanche. Je demeure ébahi. Les gens autour de moi ne semblent pas s'en soucier.

Au parc, je veux m'asseoir sur un banc, mais il était recouvert d'une épaisse couche blanche. Je m'asseois alors sur un jeu pour enfants, qui lui n'est pas recouvert, c'est une sorte de balançoire.

Je baisse les yeux sur l'écran de mon MP3, où les noms des musiques défilent les uns après les autres. Entre deux chansons, il y a une pause, un silence d'environ cinq secondes. Ca m'a cependant suffi pour entendre des pas se rapprocher de moi.

Une autre musique commence.

J'ai toujours les yeux baissés sur le sol.

Un pied apparaît dans mon champ de vision.

La musique se calme.

Un deuxième pied fait son apparition.

Le piano est le seul instrument que j'entends.

Une main se tend vers les miennes, toujours posées sur mon MP3.

La mélodie s'intensifie.

Un foulard noir se pose sur mes genoux.

Le temps s'arrête.

Mon cœur cesse de battre.

Mon âme stoppe de vivre.

Je cesse de vivre, tout simplement.

Puis je reviens à la réalité, subitement.

Je n'arrive pas à lever les yeux pour voir son visage.

L'arrêt sur image est flagrant : moi, assis sur une balançoire, un MP3 dans les mains, et lui, l'inconnu, debout devant moi, me tendant un foulard noir.

Sa main effleure la mienne. Des frissons me parcourent l'échine. Il me parle, de sa voix grave :

- Regarde-moi, Jimin.

J'en suis bien incapable. C'est la première fois qu'il prononce mon prénom, et je me rends compte que ça sonne plutôt bien dans sa bouche. D'ailleurs, comment connaît-il mon nom ? Il place un doigt sous mon menton, et relève brusquement ma tête vers la sienne.

Oh.

Mon.

Dieu.

Sa capuche noire.

Ses cheveux.

Ses lunettes noires.

Ses lèvres fines.

Ses douces joues.

Son visage.

Mon MP3 s'écrase au sol, mais je n'y prête même pas attention. Mes écouteurs partent avec.

Je me lève, enlève sa capuche de main tremblante. Il me laisse faire.

Ma main longe sa tempe, et fait tomber ses lunettes par terre.

Ses cheveux verts.

Ses petits yeux brillants.

Ma main s'arrête sur sa joue.

Il se penche vers moi, la bouche légèrement entrouverte. Je comble cette distance devenue insupportable. Mes lèvres rencontrent les siennes avec douceur. Il glisse sa main dans ma nuque, et pose l'autre sur ma joue. Il s'écarte doucement, essayant de me regarder à travers mes accessoires.

- Oh, mais comme c'est mignon ! Alors ? Mon petit frère est gay, maintenant ? Maman ne sera pas contente, gamin !

Je m'enlève brusquement des bras de... Yoongi.

Pour me retourner vers la personne qui a prononcé cette phrase. C'est-à-dire, mon grand-frère.

Souviens-toi /YOONMINOù les histoires vivent. Découvrez maintenant