#1 Toi

5 1 2
                                    

« Qui a dit que le monde était logique ? » me demanda-t-elle. Ses yeux ambrés me regardaient, débordant de la curiosité qui l'habitait. Sa soif de connaissances semblait sans fin, sans limite. Tel un monstre affamé, dévorant tout sur son passage, jamais rassasié. Elle pouvait passer des journées entières à la bibliothèque, tellement absorbée par ses lectures qu'elle en oubliait de manger, ou même de dormir. Elle réfléchissait beaucoup aussi, et se posait des questions, une multitude de questions chaque jour, la plupart restant sans réponse. Alors observait, retournait la question dans tous les sens, et cela pendant plusieurs jours, jusqu'à trouver une réponse qui lui convienne. C'est cela que j'aime chez elle. Sa façon de ne jamais baisser les bras, à aller jusqu'au bout des chose.

J'aurais aimé qu'elle n'aille pas jusqu'au bout de son geste.

Et son courage, celui d'affronter les plus grands dangers...

J'aurais aimé qu'elle n'affronte pas celui-là.

... pour sa conviction, pour ce qu'elle croit juste ! Elle pourrait se mettre à dos un pays entier si elle n'était pas d'accord avec ce qu'il s'y fait. Sa force de caractère, jamais elle ne se soumettra à l'ennemie, elle tiendra tête, jusqu'à la mort s'il le faut ! Pour protéger ses amis elle pourrait mettre sa vie en jeu.

J'aurais aimé qu'elle ne me protège pas.

Son corps frêle posé sur mes genoux, son abdomen couvert de sang dû à sa blessure. Cette blessure qui m'était destinée. Elle s'est pris la balle d'un fusil, celle qui la vide de son sang.

Et moi je ne peux rien faire, rien mis à part la regarder mourir.

Son souffle se fait saccader, son corps chercher désespérément à respirer.

Et elle me regarde de ses grands yeux ambrés, cette pointe de curiosité toujours présente.

Mais son visage blême exprimait la douleur. Sa main était posée sur mon visage, la mienne la tenant fermement, comme si ce simple geste pouvait la maintenir en vie, lui insufflez un peu de mon énergie vitale :

« Pourquoi pleures-tu ? » me demanda-t-elle.

« Je ne pleure pas » lui répondis-je, malgré le fait que je sentais des larmes coulées le long des joues, mouillant au passage sa main.

« Si tu pleures, mais pourquoi ? »

« Par peur de te perdre »

« Pourquoi as-tu peur ? »

« Car je t'aime et vivre sans toi me parait impossible »

Des larmes apparurent au coin de ses yeux, et essuyant les miennes de son autre main. Puis de sa voix faible, elle dit :

« Moi aussi je t'aime, vis po- »

Sa phrase resta en suspens, cette phrase que ses lèvres ne pourront jamais finir. Son corps ne cherche plus à respirer, il a tout simplement arrêté de fonctionner, arrêter de vivre.

Son âme est partie, pour toujours.

Je ne pourrais plus jamais entendre sa douce voix résonnait à mes oreilles, son rire cristallin ! Je ne pourrais plus jamais voir ses yeux si curieux ! Ses yeux qui sont maintenant éteint, qui ne brilleront plus jamais.

Je baisse ses paupières et essuie ses larmes de ma main tachée de sang, son sang. Des traces rougeâtres se sont formées sur son visage à l'air endormit, endormit à jamais.

Et malgré les coups de canons, de fusils devenus assourdissant, les cris d'agonies de mes camarades, mes alliés, mes ennemies, cette horrible odeur de sang, de chair brûlé, je reste à tes côtés.

Malgré la plainte macabre qui retendit dans ce lieu devenu cimetière, je ne bouge pas, laissant mes larmes se mélanger à ton sang.

Pas un mot ne sort de ma bouche, pas un cri. Juste des larmes silencieuses.

Mais dans mon corps, mon cœur cri sa douleur, me fait mal. J'ai mal ! Mal de t'avoir perdu ! Mal de ne pas avoir pu te protéger, toi mon aimée !

Alors même si mon corps ne le montre pas, je souffre. J'ai l'impression que mon cœur a été arraché à vif, qu'il n'y reste rien, mis à part un trou béant.

Et parmi toutes ces pensées, ces douleurs, cette petite phrase répétée en boucle dans mon esprit, celle qui me dit que notre avenir aurait pu être différent...

« Si seulement il n'y avait pas eu de guerre »

-------

Texte que j'avais écrit l'année dernière, je ne sais pas trop quoi en penser...

Recueil de NouvellesWhere stories live. Discover now