Chapitre 32: Cher journal(5)

433 44 2
                                    




Cher journal,

Je pense vraiment que faire lire des livres à Zack lui permettra de lui ouvrir les yeux. Lise m'avait dit quand j'étais petite que la lecture nous apportait beaucoup ; elle accroît nos connaissances, améliore notre vocabulaire, développe l'esprit d'analyse et de critique, diminue le stress et l'anxiété, nous accompagne dans notre développement personnel, forme le cerveau, nous fait partager des sentiments et pleins d'autres choses encore.

Si je fais lire à Zack le genre de livre que je lis ou lisais, il pourrait comprendre beaucoup de choses, j'en suis sûre. La lecture nous rend plus humain, j'espère donc que ça fonctionnera pour lui. Peut-être qu'il comprendra enfin le monde qui nous entoure, peut-être qu'il le regardera d'une autre façon, peut-être qu'il me comprendra enfin, moi et ma situation.

Je crois que je porte beaucoup d'espoir à propos de tout ça, pourquoi je m'acharne à essayer de rendre Zack meilleur ?

C'est juste que son innocence m'énerve, j'ai l'impression qu'il ferme les yeux sur tout, comme les adultes. C'est comme si Damon lui avait fait un lavage de cerveau, il l'embrouille et l'utilise. Ça me tue, cette façon dont on peut se faire avoir par les paroles ou les actes d'une personne malveillante et pourtant je fais partie du « on ».

Je ne suis même pas maître de ma propre vie, j'aimerai me défaire de l'emprise de Damon mais c'est impossible alors peut-être que j'essaie de libérer Zack parce que je sais que pour moi c'est peine perdue.

Au fond, Zack et moi on se ressemble un peu et si au début ça me rassurait, maintenant ça me fait de la peine, ce n'est pas une bonne nouvelle de me ressembler puisque je ne suis plus qu'une vieille loque qui se laisse mourir doucement sans rien faire à part accélérer le décès.

Je ne souhaite à personne d'être dans ma situation, je pense que je ne le souhaiterai même pas à mon ennemi tellement c'est cruel.

Surtout que je suis seule face à tout ce monde en mouvement, statique, je regarde les gens vivre leurs vies comme si je visionnais un film.

Moi, je suis le spectateur, les acteurs sont tous les autres et le film c'est la vie. Je ne suis qu'une spectatrice de la vie, de ma vie. Je ne fais que regarder ce qu'il se passe autour de moi, je reste debout, figée, coincée.

Le pire c'est que le film est dans une langue qui m'est inconnue, les personnages parlent entre eux et aucun sous-titre n'est présent pour me venir en aide.

Voilà, c'est exactement comme ça en vrai, tout le monde se parle et moi je ne comprends rien, strictement rien car je ne suis pas comme eux, car je ne fais tout simplement pas partie du film, de ce monde, de la vie. Après tout, je ne suis pas « normale ».

Cher journal, si j'écris aujourd'hui c'est surtout pour dire à quel point je regrette le passé, à ce moment où j'avais Lise et Greg à mes côtés. C'était plus facile, la douleur était plus supportable, même si je ne leur disais rien, leurs présences me faisaient du bien. Je me sentais moins seule, après chaque jour insupportable que je passais à l'école, j'avais droit à un câlin de Lise quand je rentrais. Ça voulait dire tellement pour moi, ça signifiait beaucoup, ça m'apportait énormément de choses.

J'avais l'impression que lorsqu'elle me prenait dans ses bras ça voulait dire « Ne t'inquiète pas, c'est fini, ici tu es en sécurité et moi je suis là pour te border ». Son geste si chaleureux et maternel apaisait ma douleur de tout une journée, mais une fois seule, dans ma chambre, stylo à la main, posé sur le papier de mon journal, je me sentais bien mal.

J'aurai voulu que son câlin dure une éternité, et même si maintenant je leurs en veux atrocement, j'aimerai que Lise me prenne encore dans ses bras comme autrefois, qu'elle me borde, qu'elle me sourit, qu'elle me chérisse et qu'elle me dise que tout ira bien.

Je suis coincée entre je la déteste et elle me manque. Après tout, cette femme était tout pour moi, c'était ma bouée pour m'empêcher de couler, c'était mon bouclier, c'était TOUT POUR MOI ET MAINTENANT JE N'AI PLUS RIEN !

Je regrette tellement de m'être enfuie, peut-être que si j'étais restée, si je leurs avait parlé, certaines choses se serait arrangées. Je leurs en aurais toujours voulu, certes, mais peut-être que ce serait passé avec le temps, je sais qu'ils m'auraient prouvé chaque jour qu'ils méritaient une deuxième chance.

Si je déteste Lise c'est peut-être parce que je me sens coupable, coupable de l'avoir aimée comme ma mère, comme la personne la plus importante pour moi. Alors je vois peut-être ça comme une trahison pour ma mère biologique et je m'en veux énormément pourtant je ne l'ai pas connu, du moins je n'en ai aucun souvenir, je ne sais même pas à quel âge je suis arrivée chez Lise et Greg, je ne sais même pas à quoi ressemble ma génitrice.

Peut-être qu'il est temps de mettre ma rancœur envers mes premiers et meilleurs parents de côté mais c'est tellement dur....

Maya.

MAYAWhere stories live. Discover now