Edmond

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ACTE IV

SCÈNE PREMIÈRE

Capitale du Royaume des Terres Perdues. - Château de Dalelry.

CECIL, MONTFANY et TYBALT entrent.

TYBALT. - Vous voilà arrivé à la capitale, Dalelry.

CECIL. - Je vous en remercie Tibalt, c'est très aimable à vous que de m'avoir accompagné.

TIBALT. - Ce n'est rien. Je dois vous avouer qu'au départ je vous détestais suite à la mort de Laurene, je pensais que vous étiez une mauvaise personne. Je me suis trompé.

CECIL. - Je m'excuse pour Laurene...

(Montfany s'approche).

MONTFANY. - Bien le bonjour Monsieur... Qui êtes-vous déjà ?

CECIL. - Je suis Cecil, l'héritier légitime du trône de Saint-Joseph, enchanté de vous rencontrer. (il tend sa main).

MONTFANY, avec un air de dégoût. - Je ne serre pas la main d'un gueux, quelle billevesée !

TYBALT. - Cecil de Saint-Joseph n'est point un gueux !

MONTFANY. Pourtant, c'est bien la première fois que j'entends son nom, de plus, il se dit héritier légitime du trône de Saint-Joseph, or, le prince Zenji n'est autre que l'héritier légitime de ce trône.

CECIL. - Maudit soit-il ce Zenji ! Cet assassin !



SCÈNE II

Entre EDMOND.

EDMOND. - Zenji ? Un assassin ?

CECIL. - Qui êtes-vous ?

MONTFANY. - Qui êtes-vous ?! L'on vous retourne la question. Qui êtes-vous pour ne pas connaître Edmond Artoria, le deuxième prince des Terres Perdues ?!

EDMOND. - Il est inutile de s'énerver Montfany comte de Thyr. Il ne faut point s'énerver contre les plébéiens, ces incultes !

MONTFANY. - Vous avez raison, excusez-moi. Mais je ne peux laisser passer cela, attendez ! Je vais lui lancer un de ces traits !. . . (Il s'avance vers Cecil qui l'observe, et se campant devant lui d'un air fat) Vous. . . vous avez des sourcils. . . heu. . . des sourcils. . . très gros.

CECIL, gravement. - Très !

MONTFANY, en riant. - Ha !

CECIL, imperturbable. - C'est tout ?. . .

MONTFANY. - Mais. . .

CECIL. - Ah ! non ! c'est un peu court, jeune homme !
On pouvait dire... Oh ! Dieu ! ... bien des choses en somme...
En variant le ton, – par exemple, tenez :
Agressif : « Moi, monsieur, si j'avais de tels sourcils,
Il faudrait sur-le-champ que je me les épile ! »
Amical : « Mais ils doivent tremper dans votre tasse
Pour boire, faites-vous fabriquer un hanap ! »
Descriptif : « Ce sont des rocs ! ... ce sont des pics ! ... ce sont des caps !
Que dis-je, ce sont des caps ? ... Ce sont des péninsules ! »
Curieux : « De quoi servent ces oblongues capsules ?
D'écritoires, monsieur, ou de boîtes à ciseaux ? »
Gracieux : « Aimez-vous à ce point les oiseaux
Que paternellement vous vous préoccupâtes
De tendre ces perchoirs à leurs petites pattes ? »
Truculent : « Ça, monsieur, lorsque vous pétunez,
La vapeur du tabac vous sort-elle des sourcils
Sans qu'un voisin ne crie au feu de cheminée ? »
Prévenant : « Gardez-vous, votre tête entraînée
Par ces poids, de tomber en avant sur le sol ! »
Tendre : « Faites-leur un petit parasol
De peur que leur couleur au soleil ne se fane ! »
Pédant : « L'animal seul, monsieur, qu'Aristophane
Appelle Hippocampéléphantocamélos
Dut avoir sous le front tant de chair sur tant d'os ! »
Cavalier : « Quoi, l'ami, ces crocs sont à la mode ?
Pour pendre son chapeau, c'est vraiment très commode ! »
Emphatique : « Aucun vent ne peut, sourcils magistraux,
T'irriter tout entier, excepté Maestro ! »
Dramatique : « C'est la Mer Rouge quand il saigne ! »
Admiratif : « Pour un esthéticien, quelle enseigne ! »
Lyrique : « Est-ce des conques, êtes-vous un triton ? »
Naïf : « Ces monuments, quand les visite-t-on ? »
Respectueux : « Souffrez, monsieur, qu'on vous salue,
C'est là ce qui s'appelle avoir pignon sur rue ! »
Campagnard : « Hé, ardé ! C'est-y des sourcils ? Nanain !
C'est queuqu'navets géants ou ben queuqu'melons nain ! »
Militaire : « Pointez contre cavalerie ! »
Pratique : « Voulez-vous les mettre en loterie ?
Assurément, monsieur, ce sera le gros lot ! »
Enfin parodiant Pyrame en un sanglot :
« Les voilà donc ces sourcils qui des traits de leur maître
  Ont détruit l'harmonie ! Ils en rougissent, les traîtres ! »
– Voilà ce qu'à peu près, mon cher, vous m'auriez dit
Si vous aviez un peu de lettres et d'esprit
Mais d'esprit, ô le plus lamentable des êtres,
Vous n'en eûtes jamais un atome, et de lettres
Vous n'avez que les trois qui forment le mot : sot !
Eussiez-vous eu, d'ailleurs, l'invention qu'il faut
Pour pouvoir là, devant ces nobles galeries,
me servir toutes ces folles plaisanteries,
Que vous n'en eussiez pas articulé le quart
De la moitié du commencement d'une, car
Je me les sers moi-même, avec assez de verve,
Mais je ne permets pas qu'un autre me les serve.

L'Exil de CecilWhere stories live. Discover now